Demain est écrit 

Entretien avec Pierre Bayard 

Professeur à l’Université Paris 8, psychanalyste, Pierre Bayard est à ce jour l’auteur d’une dizaine d’ouvrages de théorie de la littérature, parus – à une exception près – dans la collection « Paradoxe » des Editions de Minuit. Dans le dernier en date, Demain est écrit (Paris, Minuit, 2005), il s’interroge sur les capacités de la littérature à prédire l’avenir, et explore, avec autant d’humour que de rigueur, les implications épistémologiques de ce nouveau paradoxe.

 

Propos recueillis par Frank Wagner

 

F. W. : Au cœur de votre avant-dernier (selon une chronologie traditionnelle) ouvrage en date, Peut-on appliquer la littérature à la psychanalyse ?, figurait l’hypothèse d’une capacité de « préthéorisation » des écrivains, ce qui contribuait à libérer la littérature du rapport de sujétion dans laquelle la maintiennent les conceptions traditionnelles de la psychanalyse dite « appliquée ». Demain est écrit est le lieu d’un nouveau renversement, plus spectaculaire et paradoxal encore, dans la mesure où il affecte cette fois la conception endoxale d’une rectilinéarité – orientée de l’amont vers l’aval - du flux temporel. Pourriez-vous nous dire deux mots des modalités qui ont présidé à la transition entre ces deux ouvrages, et nous éclairer sur les particularités de la genèse de Demain est écrit ?

P. B. : En effet, il y a un lien entre Demain est écrit et ma tentative de synthèse théorique dans Peut-on appliquer la littérature à la psychanalyse ?, l’idée de ce livre étant de trouver des modèles originaux pour penser l’expérience psychique, et donc d’inverser le rapport le plus courant entre littérature et psychanalyse. Selon ce rapport traditionnel, la psychanalyse analyse l’œuvre littéraire avec des modèles déjà constitués ; dans le projet que j’ai développé avec Peut-on appliquer la littérature à la psychanalyse ?, mais aussi ailleurs, l’idée est de mettre en suspens, en épochè, ces modèles, et d’essayer, comme le faisait Freud à ses débuts, d’en inventer de nouveaux à partir de la littérature. Donc Demain est écrit s’inscrit dans ce cadre, puisque j’ai tenté, à partir de la littérature et de l’expérience littéraire en général, de trouver de nouveaux modèles pour penser le psychisme, notamment quant à son rapport au temps.

 F. W. : Vous serait-il possible de nous rappeler, sous une forme synthétique, l’« argument » de Demain est écrit, ainsi que ses enjeux épistémologiques et ses implications méthodologiques dans le champ des études littéraires ?

P. B. : L’idée est d’examiner les possibilités d’un autre modèle temporel que celui qui domine la théorie psychanalytique. Comme vous le savez, Freud faisait l’hypothèse, d’une part que l’inconscient ne connaissait pas le temps, et d’autre part - c’est une sorte de base théorique fondamentale de la psychanalyse - que nous sommes influencés par le passé. Ceci serait valable pour nous tous, sujets, mais se verrait encore plus pour les écrivains ; et, de ce fait, la grande majorité des études littéraires, qu’elles soient déterminées ou non par la psychanalyse, considèrent que les écrivains sont influencés par leur passé. D’où ma proposition paradoxale : et pourquoi ne seraient-ils pas aussi influencés par l’avenir ? En sachant qu’il y a au moins un cas sur lequel l’avenir est assuré, et dont on peut penser qu’il va exercer des effets sur nous : la mort.

A partir de là, le livre suit trois axes. Dans une première partie, je recense un certain nombre de cas étranges, pour lesquels il semble que des événements qui ne se sont pas encore produits historiquement se sont d’une certaine façon produits psychologiquement pour les écrivains, l’écriture en portant la marque. Parmi les exemples que j’examine : le cas des rencontres amoureuses, chez certains auteurs qui donnent le sentiment d’avoir raconté à l’avance ces rencontres ; le cas des accidents, éventuellement mortels ; le cas des suicides ; le cas de la folie.

Dans une deuxième partie, je propose un certain nombre d’hypothèses théoriques pour rendre compte de ces étranges prémonitions littéraires. Quatre grands types d’hypothèses sont examinés. Tout d’abord, la ou plutôt les hypothèses irrationnelles, comme celles sur lesquelles ont enquêté les surréalistes, avec cette idée qu’un certain nombre de lois temporelles et spatiales nous échappent, et que c’est la connaissance de ces lois qui permettrait de comprendre comment des événements que l’on croyait futurs se sont déjà produits pour nous. Totalement à l’opposé de ces hypothèse irrationnelles, il y a l’hypothèse rationnelle, qui consiste à faire remarquer que beaucoup de ressemblances ou de coïncidences, qui conduisent à s’interroger sur la prémonition, sont en réalité construites. Un événement de l’existence ressemble à un fait littéraire, mais on ne prête attention, à partir de la littérature, qu’à certains événements; et une quantité d’autres événements nous échappent, parce qu’ils ne franchissent pas le seuil de la perception critique, faute de ressembler à des faits littéraires. Troisième type d’hypothèse, l’hypothèse psychanalytique : les faits littéraires ressemblent à des événements de l’existence, mais peut-être n’y ressemblent-ils, et ne les annoncent-ils, que parce que les uns et les autres ressemblent à un troisième événement, par exemple un événement de l’enfance, qui s’est répercuté à la fois sur le texte littéraire et sur l’événement de l’existence, organisé inconsciemment par l’écrivain. Quatrième type d’hypothèse : ce que j’ai appelé « l’hypothèse littéraire » ; cette fois, en suivant l’exemple de Proust, j’ai fait l’hypothèse que la littérature peut fonctionner comme une sorte de plaque sensible, un appareil sismographique, permettant de commencer à capter des traces d’événements à venir qui échappent au sujet conscient, mais qui n’échappent pas à l’écriture.

Dans une troisième partie, je tire de cette proposition d’une influence parl’avenir un certain nombre de conséquences pratiques, qui pourraient intéresser ceux qui travaillent dans le domaine de la critique littéraire. D’abord en proposant de nouvelles conjugaisons et des formes grammaticales qui ne nous contraindraient pas, quand nous utilisons les temps, à nous situer dans le passé ou dans l’avenir, mais qui nous permettraient de nous situer dans l’un et dans l’autre. Je propose par ailleurs de couper les liens entre le déterminisme et la temporalité, en suggérant que certaines causes sont postérieures aux faits et non pas antérieures, ce qui permettrait là aussi de suggérer une influence de l’avenir. Troisième piste de recherche que je soumets à la critique littéraire : une réflexion sur la rhétorique et sur la stylistique, à partir de l’influence de l’avenir, et non pas, comme souvent, de l’influence du passé. Quatrième piste : une rénovation de l’exercice biographique, d’abord en comblant les lacunes des biographies - pour certains auteurs du passé, l’utilisation de cette méthode permettrait de deviner les faits qui leur sont arrivés après les textes qu’ils ont écrits - ; par ailleurs, cette rénovation biographique permettrait de révéler des faits qui ne se sont pas produits, qui n’ont pas eu le temps de survenir dans la vie des auteurs parce qu’ils sont morts avant, mais dont tout indique, dans leurs œuvres, qu’ils étaient sur le point de se produire. J’ai pu ainsi avec une certaine précision révéler les circonstances dans lesquelles Kafka allait rencontrer la femme de sa vie lorsque la mort l’a pris.

F. W. : L’un des aspects les plus déroutant - et par là même stimulant - de votre réflexion provient de la façon dont elle fragilise l’une de nos catégories usuelles d’appréhension du monde et de l’existence - dimension déstabilisante qui culmine dans l’invention puis l’utilisation des nouvelles formes de conjugaison que vous venez d’évoquer. En termes d’impact pragmatique, nous sommes là somme toute relativement proches de l’effet généré par certains textes fictionnels, comme A rebrousse-temps de Philip K. Dick, ou plus encore La Flèche du temps de Martin Amis. Pensez-vous que les aptitudes de Dick et Amis à la « préthéorisation » leur ont permis (respectivement en 1967 et 1991) d’« anticiper » les révélations de Demain est écrit ? En d’autres termes, estimez-vous que le poids de « l’avenir » sur le présent ne joue qu’à l’échelle individuelle, ou a-t-il quelque chance de s’exercer également sur un plan collectif ?

P. B. : En ce qui concerne les auteurs que vous citez, celui que je connais le mieux, c’est Philip K. Dick, dont je me demande par moments s’il n’a pas plagié mon œuvre par anticipation. J’avais d’ailleurs travaillé sur ses textes pour Peut-on appliquer la littérature à la psychanalyse ?, et, bien que je l’aie pas retenu, c’est un auteur auquel je me suis intéressé, soit directement, soit par le biais des adaptations cinématographiques. Donc, effectivement, c’est quelqu’un avec lequel je me sens, quel que soit l’ordre dans lequel nos découvertes se sont produites, en affinité.

En ce qui concerne l’influence de l’avenir, je crois qu’elle joue aussi sur un plan collectif. Je m’y suis moins intéressé parce que cela a déjà été fait, beaucoup plus que sur un plan individuel, l’exemple caractéristique étant celui de Kafka, dont on a souvent dit à juste titre que son œuvre, alors qu’il meurt en 1924, décrivait les grands totalitarismes du vingtième siècle. Je crois que la capacité de l’écrivain, ou de l’écriture, à faire œuvre de prescience sur les phénomènes collectifs a déjà été reconnue et analysée. Ce qui m’intéressait davantage, c’était la prescience dans le domaine individuel. J’ajoute une chose : je travaille aussi sur une autre dimension à laquelle je faisais allusion en dénonçant l’influence de mes travaux sur l’œuvre de Dick, la question du plagiat par anticipation ; c’est-à-dire que je pense qu’on insiste trop, pour prendre un exemple, sur l’influence que Shakespeare a eue sur Victor Hugo, en méconnaissant l’influence, à l’évidence considérable, que Victor Hugo a eue sur Shakespeare.

 F. W. : Par-delà ses spécificités « thématiques », vous montrez bien, notamment à travers les exemples de Borges, Breton et Woolf, que cette enquête sur une hypothétique réversibilité du flux temporel à l’échelle individuelle est aussi (surtout ?) une variation sur l’interprétation et la lecture. Pourriez-vous spécifier en quoi, comment, et à quel degré, activité interprétative et activité lectrice sont ici en jeu ?

P. B. : Si je devais donner un centre, un point commun à tout ce que j’écris depuis le début, dans ces dix ouvrages, c’est en effet la question de la lecture et de l’interprétation. Il est vrai qu’il existe d’autres points communs, comme la notion de paradoxe, comme mon goût pour l’interventionnisme critique - puisque j’interviens sur les textes littéraires en les transformant -, mais, pour moi, le point majeur, c’est cette question de la lecture et de l’interprétation, qui est au premier plan dans la partie centrale du livre, consacrée aux quatre théories possibles du temps. Ce qui m’intéressait ici, outre la proposition de base et tout ce qu’elle peut faire jouer comme catégories temporelles, outre le plaisir de raconter ces vies d’écrivains, c’était de réfléchir sur la manière dont nous pouvons traiter cette hypothèse de la prémonition. Face aux quatre pistes que je propose, je n’ai pas de choix arrêté : il m’arrive d’hésiter entre elles, il m’arrive même d’hésiter dans la même journée, ou dans la même heure. Mais c’est cette hésitation même qui est le cœur du livre. Face à ce type de phénomène de prémonition apparente, comment réagissons-nous ? Quels sont les modèles que nous construisons ? Comment transformons-nous les textes en fonction de telle ou telle hypothèse ? Donc la construction de l’objet de lecture est vraiment le cœur de ce livre, au-delà de ses jeux sur les paradoxes.

 F. W. : Pour en revenir au potentiel de renouvellement des études littéraires induit par l’hypothèse fondatrice de votre ouvrage, deux points me semblent appeler discussion. D’une part, la méthode de « lecture » que vous suggérez, et simultanément exemplifiez, pour paradoxale qu’elle soit, maintient tout de même le texte dans un rapport étroit de dépendance à l’égard de la vie de l’auteur - selon la formule emblématique d’une certaine histoire littéraire traditionnelle : « X : sa vie, son œuvre ». D’autre part, l’hypothèse même d’une relecture de l’œuvre et/ou de la vie à rebours, c’est-à-dire depuis la fin, même si elle ne dit que rarement son nom, a fréquemment cours dans la critique littéraire, où elle joue le rôle d’un artificiel vecteur de cohérence - qu’on pourrait nommer « illusion finaliste et rétrospective ». Ne pensez-vous pas - ne craignez-vous pas - que les vertus salutaires et/car « déniaisantes » de la pensée paradoxale courent pour partie le risque de se voir contrecarrées, du moins limitées, par ces deux paramètres ?

P. B. : C’est pour cela que, suite à ce que je disais plus haut, il ne faut pas prendre ces textes au premier degré. La question, pour moi, est de savoir ce que nous faisons quand nous mettons ensemble la vie et l’œuvre, ou en l’occurrence l’œuvre et la vie, puisque ici ce lien opère dans l’autre sens. Donc c’est une interrogation sur ce geste traditionnel de lecture qui est ici mise en place et en fiction. De même, il est tout à fait vrai que toute démarche sur un auteur, dès qu’elle est légèrement biographique ou organisatrice, procède par cette « rétrodiction » que je mets en scène ici. Mais justement, la mise en scène est ce qui m’intéresse, parce que c’est cette réflexion sur ce que nous faisons avec les auteurs qui est première. Et le livre, pas plus que les précédents, n’est sur ce point affirmatif : il met en jeu un certain dispositif de fiction afin de réfléchir sur.

 F. W. : A l’occasion de ma question précédente, j’ai délibérément et provisoirement omis de prendre en considération un paramètre à mes yeux très important pour la réception de vos travaux, et que, faute pour l’heure d’une somme définitive sur la question, je ne sais avec certitude s’il faut nommer « ironie » ou « humour ». Vos livres n’auraient pu, me semble-t-il, trouver meilleur lieu de publication qu’une collection précisément intitulée « Paradoxe », en raison également de leur récurrente tonalité « tongue in cheek ». J’imagine que cette dimension de votre travail est pleinement assumée, et qu’elle joue un rôle non négligeable dans le projet qui est le vôtre…

P. B. : Oui, l’humour - ce que vous appelez « humour », et c’est un très beau terme pour moi, et le plus beau compliment qu’on puisse me faire – est central dans ce que je fais. D’autres théoriciens le pratiquent, mais chez eux il est souvent un peu marginal, il n’est qu’un ingrédient supplémentaire. L’humour est pour moi au cœur de mon écriture, dans la mesure où mes textes ne sont pas à mettre à mon compte, en tant qu’énonciateur, mais au compte, à chaque fois, d’une sorte de « narrateur paranoïaque ». Et c’est ce qui n’a pas toujours été perçu dans ce que je faisais. Je crois que les lecteurs et les journalistes ont plus l’habitude aujourd’hui, mais certains, au début, répondaient au premier degré à mes propositions. Quand j’ai écrit par exemple un livre qui s’intitule Le Hors-sujet, sur la digression chez Proust, en proposant d’essayer d’éliminer les digressions de La Recherche, il s’est trouvé des proustiens très sérieux pour m’expliquer que ce n’était pas possible parce que l’intérêt de l’œuvre de Proust tenait justement à ces digressions… J’ai eu les mêmes problèmes avec Comment améliorer les œuvres ratées ?, ou avec les « polars théoriques » (Qui a tué Roger Ackroyd ?, Enquête sur Hamlet).

Or ce dispositif d’humour ou de paradoxe vise pour moi à créer un objet instable, dans lequel la fiction joue un rôle premier. Ce qui m’intéresse, c’est de construire une fiction dans laquelle la théorie est mise en scène, et c’est cet effet de distance entre le narrateur de la théorie et la théorie elle-même qui doit donner à réfléchir. Donc, et c’est pour cela que j’ai parfois du mal à me faire comprendre, je ne me considère pas comme énonciateur de mes textes. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles j’apprécie certains auteurs comme Antoine Volodine, si je peux me permettre cette comparaison flatteuse. Encore une fois, mais vous l’avez parfaitement perçu, l’humour n’est pas ici quelque chose de secondaire.

 J’ajoute une chose. Cet « humour » (je ne peux mettre le mot qu’entre guillemets, tant il est flatteur à mes yeux) a partie liée avec la réflexion dont nous parlions sur la lecture et l’interprétation, mais aussi avec la psychanalyse. Ce qui est en jeu ici aussi, c’est l’expérience psychanalytique de la cure, où le sujet qui parle de lui se rend compte, immédiatement après avoir parlé, que ce qu’il vient de dire n’est pas exactement ce qu’il voulait dire, et ce sans espoir, car toute nouvelle tentative est vouée à l’échec. C’est cette différence entre ce qu’on dit et ce qu’on essaie de dire que j’essaie de rendre manifeste au moyen de ce dispositif d’écriture et de cette énonciation fictive due à un « narrateur paranoïaque ».

F. W. : Vous venez partiellement de répondre « par anticipation » à la question suivante… Cette dimension « ludique » de votre recherche, renchérissant sur les objets parfois « anomiques » que vous étudiez, et les positions paradoxales que vous défendez, pourrait inciter certains lecteurs à y discerner une dimension quasi « fictionnelle ». Plusieurs passages de Demain est écrit (par exemple le récit de la fin de Virginia Woolf, ou celui de la rencontre avortée entre Franz Kafka et son ultime amour) seraient également susceptibles de cautionner cette tentation. Par-delà les latitudes inhérentes à la pratique de l’essai, êtes-vous d’avis que la notion de « fiction(s) théorique(s) » présente quelque validité ? Ou, pour le dire autrement, quelle est votre position à l’égard des éventuels rapports de similitude qui pourraient exister entre fiction et théorie ?

P.B. : La fiction, comme je le disais plus haut, est centrale pour moi, non parce j’inventerais tel ou tel point - même s’il est vrai que dans ce livre-ci quelques faits ont été inventés -, mais en raison de cette question de l’énonciation. Mes livres sont pris dans une sorte de roman, et ce dispositif d’écriture est fondamental, il est leur raison d’être. Par ailleurs, il est vrai aussi qu’il existe pour moi, de par mon expérience psychanalytique, une proximité, voire une similitude, entre fiction et théorie, ou, pourrait-on dire aussi - pour reprendre une comparaison utilisée par Freud, et que j’ai mise en scène dans Qui a tué Roger Ackroyd ? - entre délire et théorie. Je ne crois pas qu’il y ait une théorie qui puisse être complètement indemne d’une part de fiction, et inversement, une fiction qui puisse être indemne d’une part de théorie, comme j’ai essayé de le montrer dans Peut-on appliquer la littérature à la psychanalyse ? J’essaie donc de créer un genre intermédiaire entre fiction et théorie, et l’idéal pour moi serait de m’approcher le plus près possible de la fiction à l’intérieur de la théorie.

 F. W. : Enfin, puisque je vous interroge pour le compte de VOX-POETICA : il est rare que, dans vos différents livres, vous ne fassiez pas une ou plusieurs références à Gérard Genette (dans Demain est écrit, il est une nouvelle fois mentionné (p. 87), à propos de la définition de la métalepse) – figure majeure de la narratologie et de la poétique, qui vient également de publier un ouvrage plein d’humour, intitulé Bardadrac. Vous serait-il possible de spécifier vos relations avec l’œuvre « narratologique » et « poéticienne », ou « poétologique », de Gérard Genette ?

P. B. : J’ai en effet une grande admiration pour son œuvre. Comme vous le savez, il y a, derrière le Genette le plus connu - celui de la poétique des années 70 - , un Genette de la taxinomie exhaustive, un Genette plus lewis carrollien, humoristique, celui des cases vides de ces taxinomies. Et certains passages de Genette, je pense à Palimpsestes, sont très drôles. Je me situe donc plutôt du côté de ce « deuxième » Genette, moins évident, mais qui est très important, probablement aussi à ses propres yeux, parce qu’il incarne une sorte de remords de la science. Le type d’humour que j’essaie d’avoir lui est pour une part redevable.

 

 

Enretien publié le 15 septembre 2006

 

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