Le moi qui revient1
(Un exemple d’autofiguration2 :
les Romanesques3 d’Alain Robbe-Grillet I))
Frank Wagner
Université Rennes 2
Pour un « Robbe-Grillet » de plus…
« Je n’ai jamais parlé d’autre chose que de moi… » Sous la plume d’Alain Robbe-Grillet, au début du Miroir qui revient4, une telle formule avait tout pour surprendre, voire pour scandaliser - ce qu’elle ne manqua d’ailleurs pas de faire. D’aucuns y virent en effet l’indice d’une lâche palinodie puisque, à la faveur de cette assertion, préludant à un ouvrage en apparence autobiographique, du moins pour qui n’y regardait pas de trop près, le « pape » du « Nouveau Roman » paraissait brûler ce que naguère encore il avait adoré. Comme on pouvait s’y attendre, nombre de lecteurs et de critiques se montrèrent donc réticents face à l’idée paradoxale que celui qu’ils tenaient, sur la foi de ses propres déclarations, pour un autre chantre de la « mort de l’auteur »5, doublé d’un écrivain anti-expressif, anti-intentionnaliste et résolument formaliste, ait pu dès l’origine de son œuvre se prendre pour « sujet » de ses écrits. Et de tenir, par voie de conséquence, l’auteur des Gommes6 pour coupable d’une énième provocation… En la matière, qui avait tort, qui raison ? Il n’est pas certain qu’une telle question s’impose, tant la notion de « vérité » apparaît sujette à caution dans le domaine de l’activité critique ; mais je la retiendrai malgré tout, et me ferai volontiers, pour diverses raisons, l’avocat du diabolique Robbe-Grillet.
Tout d’abord parce que son assertion « scandaleuse » était en fait prudemment modalisée : « Comme c’était de l’intérieur, on ne s’en est guère aperçu [ajoutait-il]. » 7 Aujourd’hui, la dimension phénoménologique des premiers romans, tout particulièrement de La Jalousie8, est évidente9 ; et rapporter peu ou prou la conscience médiatrice/créatrice de l’univers fictionnel à celle de l’auteur n’a rien d’artificiel ni de forcé : par exemple, le crime sexuel « absent » qui fonde Le Voyeur10 participe d’une fantasmatique innervant l’œuvre dans son ensemble, et dont nous savons en outre désormais qu’elle était celle d’un pervers assumé, du nom d’Alain Robbe-Grillet.
Ensuite parce que, une fois n’est pas coutume, du milieu des années 80 à la fin de sa vie, sur ce chapitre l’auteur fit preuve d’une remarquable constance, affirmant de façon récurrente à qui voulait l’entendre que toute son œuvre reposait dès le premier livre sur une interrogation double ou dédoublée : « Qu’est-ce que c’est, moi ? Et qu’est-ce que je fais là ? »11 Tous, bien sûr, ne l’entendirent pas, faute de le vouloir ou de le pouvoir, et leur scepticisme est somme toute compréhensible, tant ces interrogations en quelque sorte « éternelles » cadrent mal avec la réputation d’auteur anti-humaniste revendiquée par Robbe-Grillet lui-même. Posant la question de l’identité intime, « Qu’est-ce que c’est, moi ? » relève certes de l’ontologie ; posant la question de la raison d’être (-au-monde) du sujet, voire celle des fins dernières de l’homme, « Qu’est-ce que je fais là ? » relève certes de la métaphysique - deux branches traditionnelles de la philosophie. Mais n’oublions pas que la permanence des questions n’implique nullement celle des réponses - comme permettra de l’établir l’analyse à venir de la trilogie des Romanesques.
Enfin parce que, conscient de sa réputation - et pour cause, puisqu’il en était en grande partie lui-même l’artisan -, en affirmant n’avoir jamais parlé d’autre chose que de lui, un écrivain aussi lucide, partant maître de ses effets, qu’Alain Robbe-Grillet jouait avec la critique comme le chat avec la souris ou, pour user d’une autre métaphore, lui donnait de propos délibéré du grain à moudre. Ce faisant, il nous rappelait habilement selon moi quelques caractéristiques essentielles de l’expérience littéraire :
-que l’hétérogénéité ou l’homogénéité d’une œuvre ne saurait relever d’une quelconque objectivité, mais résulte d’effets de lecture largement subjectifs.
-que la construction de ces effets de lecture est pour partie conditionnée par la figure de l’auteur comme par la force d’intimidation herméneutique de ses déclarations - raison pour laquelle on peut considérer que les épitextes robbe-grillétiens font partie de l’œuvre.
-que le lecteur n’est pas pour autant tenu de céder à cette intimidation, et qu’il aura souvent beaucoup à gagner à ne pas tenir les propos de l’auteur pour paroles d’évangile (quand bien même laïc), mais au contraire à s’en émanciper pour se forger une opinion propre. La tension dialectique entre « ordre » et « désordre », volonté de maîtrise et acceptation de ce qui la déjoue, représente en effet une autre constante de cette œuvre. Le rôle du lecteur « averti » pourrait donc être celui d’un électron sinon totalement libre, du moins en liberté conditionnelle - celle que la lettre des textes lui consent -, par là même apte à introduire du jeu dans le système opéral, ce qui permet d’en assurer non seulement le fonctionnement, mais tout bonnement la survie esthétique. Ne craignons donc pas d’oublier parfois les « leçons » de l’auteur, pour éviter à son œuvre ce figement mortifère contre lequel il aspirait tant à la prémunir. La désobéissance critique peut ainsi passer pour une vertu, en même temps que pour un hommage, indirect…
Est-ce à dire qu’avec la parution du Miroir qui revient, rien n’aurait vraiment changé dans l’œuvre robbe-grillétienne ? Telle est en tout cas la position apparemment défendue par l’auteur, qui affirmait par exemple dans Angélique ou l’Enchantement :
« J’aurai en somme seulement, depuis le miroir qui revient, compliqué un peu plus la donne et proposé comme nouveaux opérateurs de nouvelles cartes truquées, en introduisant cette fois parmi les effets de personnages qui avaient nom Boris, Edouard Manneret, Mathias ou Joan Robeson, un autre effet de personnage qui s’appelle moi, Jean Robin. »12
On remarquera toutefois l’emploi du modalisateur (« en somme »), du comparatif (« seulement […] un peu plus ») et de la notation temporelle (« cette fois »), qui viennent donc quelque peu nuancer cette affirmation de pérennité esthétique. Quant à la formule qui clôt la citation (« un autre effet de personnage qui s’appelle moi, Jean Robin »), outre qu’elle donne sens à la notion de « cartes truquées » évoquée plus haut, elle convoque le souvenir de l’épigraphe préludant à Roland Barthes par Roland Barthes : « Tout ceci doit être considéré comme dit par un personnage de roman »13 - que nous retrouverons chemin faisant. A l’analyse, même si, de façon somme toute compréhensible, il fait porter l’accent sur la cohésion de son œuvre, assurée par l’unité d’un projet des plus conséquents, Robbe-Grillet semble donc malgré tout concéder que le premier volume des Romanesques y introduit une forme d’inflexion.
On rencontrerait un constat similaire chez la plupart des spécialistes de l’auteur, en particulier chez Roger-Michel Allemand14 qui, s’il insiste sur l’existence de schèmes fédérateurs conférant à l’œuvre son unité artistique, ne la subdivise pas moins en diverses « périodes » : militantisme polémique (de Un régicide (1949) à Dans le labyrinthe (1959)), puis formalisme ludique (de La Maison de rendez-vous (1965) à Djinn (1981)), et enfin renaissance autoscripturale (du Miroir qui revient (1984) aux Derniers jours de Corinthe (1994))15. Instruit par ces deux exemples parmi d’autres, mieux vaut par conséquent se défier des affirmations par trop tranchées et monolithiques, tant tout est ici à l’évidence affaire de déplacement d’accent et/ou de poids relatif. Il s’agira donc de ne se concentrer exclusivement ni sur ce qui se répète dans ce qui varie, ni sur ce qui varie dans ce qui se répète, mais de s’inscrire à la croisée de ces deux lignes de force herméneutiques - sans perdre de vue qu’il s’agit là d’effets de lecture, en tant que tels pour partie subjectifs. Cela précisé, analyser les Romanesques comme un ensemble sinon autonome, du moins cohérent, n’a pour autant rien d’illégitime : d’une part parce que c’est bien à l’échelle de ces trois volumes qu’apparaît et circule cette nouvelle carte truquée qu’est le moi de l’écrivain ; d’autre part parce que Le Miroir qui revient, Angélique ou l’Enchantement et Les derniers jours de Corinthe constituent une trilogie, c’est-à-dire un cycle - « forme » dont la dynamique cohésive n’est plus à démontrer.
Mais trêve de prolégomènes méthodologiques… qu’étudier dans les Romanesques ? Qu’il s’agisse de la genèse de ce triptyque, de sa place dans l’œuvre, de sa réception critique, de sa postérité littéraire, ou en son sein de la part dévolue à l’eros, à l’humour et à l’ironie, à l’intertextualité, aux référents culturels, au métatextuel (ou à l’autoréflexivité) comme outil de « programmation » de la lecture, ou encore au traitement qui y est réservé à certaines disciplines comme la psychanalyse et la philosophie, sans oublier son inscription dans un contexte littéraire, idéologique et épistémologique particulier, toutes ces problématiques sont dignes d’intérêt, et seront donc dans la mesure du possible abordées - à des degrés divers, bien sûr - dans ce qui suit. Toutefois, à mes yeux, proposer une « introduction » aux Romanesques implique aussi et surtout de raisonner en termes génériques, c’est-à-dire de confronter la trilogie aux formes répertoriées des écritures intimes, qu’il s’agisse de l’autobiographie ou de l’autofiction, dans l’espoir de mettre au jour la spécificité de l’entreprise robbe-grillétienne - si spécificité il y a. Mais, avant d’entrer ainsi dans le vif du sujet, une phase de contextualisation, entre génétique textuelle, esthétique de la réception et histoire de la littérature contemporaine, permettra de poser quelques repères utiles à la bonne intelligence de mon propos16.
Genèse et noosphère
Quelles raisons ont donc bien pu pousser Alain Robbe-Grillet, au début des années 80, à se confronter à l’écriture de soi, c’est-à-dire, dans ses propres termes, à se colleter avec les problèmes que pose « l’expression d’une personne, qui est à la fois un corps, une projection intentionnelle et un inconscient »17? Plutôt qu’une motivation unique, c’est semble-t-il un faisceau de paramètres, aussi bien très généraux que beaucoup plus particuliers, qui ont motivé cette inflexion de sa trajectoire artistique. Tout d’abord, cette tentation « autoscripturale » était à l’évidence, depuis un moment déjà et pour longtemps encore, dans l’air du temps. Entre autres exemples, W ou le souvenir d’enfance (1975) de Georges Perec18, Roland Barthes par Roland Barthes (1975)19 de qui l’on devine, Fils (1977) de Serge Doubrovsky20, Enfance (1983) de Nathalie Sarraute21, L’Amant (1984) de Marguerite Duras22, ou encore Le Harnais (1984) de Robert Pinget23, attestent de la fascination qu’éprouvèrent pour l’écriture intime, en ces années-là, nombre d’écrivains parmi les plus exigeants - sans parler de tous les autres. Ces « retours du sujet » (mais s’était-il vraiment absenté ?) revêtirent bien souvent plutôt la forme d’autant de détours ; mais il n’en reste pas moins que cette problématique, dans les « rangs » du « Nouveau Roman » comme ailleurs, constituait un trait saillant de la noosphère des finissantes années 70 comme des commençantes années 80 - à l’image du procès de personnalisation24 à l’œuvre dans la société du début de ce qu’on commençait à nommer alors l’ère postmoderne. C’est donc au même titre que d’autres, et non des moindres, que Robbe-Grillet se montra sensible à ce questionnement d’époque.
Se voir ainsi fondu dans la masse de ses contemporains eût probablement déplu à cet individualiste forcené. Aussi, ne fût-ce que pour apaiser ses mânes courroucés, peut-on différemment relever d’autres motivations, plus clairement idiosyncrasiques, à l’inflexion de sa pratique d’écriture. Au premier rang desquelles la notoire phobie de l’auteur pour ce qu’il nommait la glaciation ou le figement du sens dont, en digne descendant de marins bretons, il préférait infiniment, et recherchait à tout prix, le faseyement. En atteste en particulier un extrait du Miroir qui revient, où il dénonce en termes vigoureux le lieu commun moderniste qu’était progressivement devenue la dimension réactionnaire de la notion d’auteur opposée à l’impersonnalité par essence anonyme du travail du scripteur :
« J’ai moi-même beaucoup encouragé ces rassurantes niaiseries. Si je me décide aujourd’hui à les combattre, c’est qu’elles me paraissent avoir fait leur temps : elles ont perdu en quelques années ce qu’elles pouvaient avoir de scandaleux, de corrosif, donc de révolutionnaire, pour se ranger dorénavant parmi les idées reçues, alimentant encore le militantisme gnangnan des journaux de mode, mais avec leur place déjà préparée dans les glorieux caveaux de famille des manuels de littérature. L’idéologie, toujours masquée, change facilement de figure. C’est une hydre-miroir, dont la tête coupée reparaît bien vite à neuf, présentant à l’adversaire son propre visage, qui se croyait vainqueur.
Imitant son stratagème, je vais en retour emprunter la dépouille du monstre : voir par ses yeux, entendre par les trous de ses oreilles, et parler par sa bouche (tremper mes flèches dans son sang). »25
La dimension réactionnelle du projet robbe-grillétien apparaît donc avec clarté, puisque la décision de « raconter sa vie » procède d’une volonté de démarcation à l’égard des idées jadis novatrices défendues par les « nouveaux romanciers » comme par la « nouvelle critique », mais qui au fil du temps, se sont banalisées jusqu’à se figer en une doxa, voire en un dogme de substitution. D’où la tentation assumée de renouer avec les problématiques naguère encore taboues de l’expressionnisme et de l’intentionnalisme. On remarquera au passage que le changement de cap revendiqué par Robbe-Grillet illustre l’un des paradoxes de la modernité repérés par Antoine Compagnon26 : la recherche systématique du nouveau finit par constituer une forme de tradition de la modernité, qui ne peut guère à la longue autoriser de nouveau dépassement qu’à la faveur d’une trahison de la modernité. Telle est la « malédiction » qui pèse sur l’écrivain-expérimentateur, condamné au bout d’un certain temps, s’il désire rester fidèle à son credo, à évoluer de reniement en reniement : évolution qui ressemble alors d’assez près à une involution, au fil d’un cheminement en son principe autodestructeur. Du moins Robbe-Grillet en était-il pleinement conscient, qui s’interrogeait dès la page 9 du Miroir qui revient quant à la pertinence de son entreprise autoscripturale, compte tenu de la vague de « retour à » qui déferlait alors de toutes parts - et dont on peut ajouter que le reflux se fait toujours attendre. Ce scepticisme le conduisait même à affirmer qu’il aurait fallu « très certainement reprendre les actions terroristes des années 55-60 » (idem). Involution, disais-je.
Fort heureusement, Robbe-Grillet n’en fit rien, ou plus exactement fit autre chose, ou encore la même chose dans un autre cadre (eadem sed aliter). Le mixte d’« autobiographie », de théorie littéraire et de fiction, en quoi consistent les Romanesques, peut être perçu, mutatis mutandis, comme une reprise des actions terroristes des années 55-60, dans le cadre autre de l’écriture intime, ou à sa marge - « reprise-en-avant »27 d’obédience kierkegaardienne, compliquée d’un fort robbe-grillétien pas de côté, qui n’est pas sans rappeler, aux échecs, la diagonale du fou28. Il n’y a donc pas là seulement banal retour de balancier, par quoi l’auteur découvrirait en la tradition l’antidote à sa contestation trop vite périmée, mais tentative pour sortir de cette antinomie et la « relever » au sens hegelien du terme (Aufheben). Sans doute cet art consommé de l’esquive ne résout-il pas le principal paradoxe inhérent à la dynamique moderniste, mais il permet de nuancer certaines des appréciations à mes yeux excessivement sévères d’Antoine Compagnon. Ainsi Robbe-Grillet échappe-t-il selon moi aux accusations de « passion du reniement »29, puisqu’il ne fait somme toute que réagir aux mutations conjoncturelles de l’idéologie d’une époque à laquelle il n’a pas choisi d’appartenir, et de « superstition du nouveau », puisque son souci perpétuel de renouvellement, loin de relever d’une obscurantiste certitude a priori fondée sur une sotte vision téléologique de l’art, correspond à une incertaine et tâtonnante quête aux motivations existentielles : changer les formes pour faire vaciller le sens - condition d’accès au réel, selon lui30.
Si elle s’inscrit indéniablement dans une noosphère spécifique, l’entreprise autoscripturale d’Alain Robbe-Grillet n’en correspond donc pas moins à certaines des « fixations » les plus personnelles de l’auteur - dialectique de l’exemplarité et de la singularité plus généralement inhérente aux écritures personnelles, dont elle conditionne en outre la lisibilité. Or la conscience de cette nécessaire articulation était d’autant plus vive chez l’auteur des Romanesques que, si, comme tout écrivain, il a toujours éprouvé la conviction de son unicité, d’ailleurs exhibée avec une goguenarde et réjouissante immodestie, plus que d’autres, il se reconnaissait divers compagnons de route auxquels il se sentait lié par une communauté de refus, davantage sans doute que par des convictions partagées. Au sein de la parentèle intellectuelle et artistique ainsi définie, l’une des figures les plus éminentes était sans conteste Roland Barthes, en raison notamment de l’indéfectible soutien qu’il avait apporté à Robbe-Grillet lors de la parution de ses fort controversés premiers romans. Mais par-delà un bien compréhensible sentiment de reconnaissance, ce qui fondait ce compagnonnage était la fascination de l’écrivain pour la labilité de la pensée barthésienne, glissant sans cesse d’un objet et d’une posture à l’autre, et ne se trouvant en définitive jamais là où on espérait pouvoir enfin la saisir. C’est peu de dire que cette « rhétorique de l’anguille » séduisait Robbe-Grillet, qui y reconnaissait en fait ses propres aspirations - à l’importante différence près que ces glissements permanents s’accompagnaient chez l’un d’un douloureux sentiment d’imposture, chez l’autre de l’intense jubilation de qui se soustrait indéfiniment à la pétrification.
Or, comme on l’a vu, au milieu des années 70, Barthes avait fait paraître, dans la collection « Ecrivains de toujours » des Editions du Seuil, un texte remarquable et remarqué, Roland Barthes par Roland Barthes - qu’Alain Goulet31 présente sommairement en ces termes :
« Tout en subvertissant la notion d’autobiographie et la pratique de l’autoportrait, tordant la relation traditionnellement établie entre la vie et l’œuvre [cf. l’épigraphe déjà citée], déjouant toute histoire, tout biographisme - même si quelques « biographèmes » se glissent pour alimenter des réflexions où se déploie l’imaginaire de l’écriture, Barthes y compose un portait fragmenté, essentiellement intellectuel, de celui qui écrit au moment où il écrit […] » ;
au nom de ce « principe » qui n’est peut-être qu’un constat : « Dès que j’écris, c’est le Texte lui-même qui me dépossède de ma durée narrative. […] Un autre imaginaire s’avancera alors : celui de l’écriture. »32 Sans doute comprend-on mieux, à la lumière de cette brève citation, le sens de la mise en garde liminaire (« Tout ceci doit être considéré comme dit par un personnage de roman. »), qui paraît elle-même faire chorus sur l’affirmation antérieure de Paul Valéry : « Tout ce qui s’écrit est fictif. »33
La majeure partie des caractéristiques relevées par Alain Goulet pourraient, sans distorsion majeure, être également repérées dans les divers volumes des Romanesques. A l’évidence, Roland Barthes par Roland Barthes n’était donc pas tombé sous les yeux d’un aveugle… Entendons-nous : il ne s’agit nullement d’en faire grief à Robbe-Grillet, simplement de relever, jusqu’à un certain point, une convergence de vues, de projets, d’écritures, qui renvoie à la fois à deux sensibilités à plusieurs égards proches l’une de l’autre, et à l’inscription des deux sujets qui les portent dans l’épistémè particulière de la 2nde moitié des années 70 ou du début des années 80. Appliquée à l’œuvre robbe-grillétienne, une démarche aussi positiviste que la « critique de sources » serait en effet vouée à porter à faux, d’autant plus que l’auteur, « homme qui ment », selon le titre de l’un de ses films34, s’entend à merveille à brouiller les pistes. Il n’en reste pas moins que diverses « rencontres » significatives entre les Romanesques et plusieurs tentatives originales d’autofiguration, légèrement antérieures à la trilogie, méritent d’être signalées. Ainsi, outre le livre déjà mentionné de Roland Barthes, en va-t-il de W ou le souvenir d’enfance de Georges Perec, également paru en 1975. L’impossibilité pour l’auteur d’y dire sans détours un traumatisme intime (la déportation et l’extermination de la mère et d’une partie de la famille dans les camps de la mort de l’Allemagne nazie), doublée d’une conscience très vive des apories inhérentes au geste autobiographique même, conduit à l’invention d’une forme hybride dont le sens, jamais explicitement ni entièrement dévoilé par l’écrivain, doit en définitive être formulé par le lecteur, à l’intersection de deux lignes de texte aux statuts contrastés (fiction vs diction), et illusoirement autonomisées par leur alternance réglée (un chapitre sur deux) comme par leur singularisation typographique (italiques vs romains). De ce montage textuel novateur, élevant le lecteur au rang d’authentique co-énonciateur, il ne paraît pas exagéré d’affirmer que l’écho est perceptible dans les Romanesques, où vécu de l’auteur, commentaires métacritiques sur l’écriture intime et fabulation se partagent l’espace textuel. Même si c’est à une autre « autobiographie oblique »35 de Perec que Robbe-Grillet fait indirectement référence à la fin des Derniers jours de Corinthe36 : Je me souviens37, comme l’atteste la récurrence de cette formule-leitmotiv, à valeur d’embrayeur de l’activité d’anamnèse.
De même, en dépit du rapport diamétralement opposé de leurs auteurs à la psychanalyse, le lecteur des Romanesques, pour peu que son fonds encyclopédique personnel contienne cette référence, peut difficilement ne pas songer à Fils de Serge Doubrovsky, dont le texte de 4ème de couverture fraye une nouvelle voie (trans-)générique au moyen d’un néologisme dont on connaît la bonne fortune ultérieure : autofiction. Outre qu’il dévoie à son tour le fameux « pacte autobiographique », reposant notamment selon Philippe Lejeune38 sur la triple identité de l’auteur, du narrateur et du personnage, à la page 177 des Derniers jours de Corinthe, Robbe-Grillet emploie l’expression d’« errements autofictionnels » pour caractériser son entreprise autoscripturale - ce qui vaut, sinon reconnaissance de dette, du moins clin d’œil, soit à l’« inventeur » de l’autofiction, soit à la forme même à laquelle son nom est resté associé.
Roland Barthes, Georges Perec, Serge Doubrovsky : telle serait selon moi la trinité qui préside au renouvellement robbe-grillétien de l’écriture autobiographique - sans préjuger de quelque autre possible « influence », par exemple celle de Jacques Lacan, pour qui « le sujet, dès l’origine, serait pris dans une ligne de fiction »39. Mais, compte tenu des préventions de notre auteur à l’encontre de cette discipline, l’on comprendra mes réticences à faire figurer un psychanalyste, même « dissident » à l’égard de l’orthodoxie freudienne, au nombre des saints patrons d’Alain Robbe-Grillet… Enfin, resterait à rappeler, en synchronie cette fois, la « rencontre » des Romanesques et des « Nouvelles Autobiographies » de Sarraute, Duras, Simon et consorts. A tout seigneur, tout honneur, laissons-en le soin au principal intéressé : « […] ce n’est sans doute pas un hasard […] si notre groupe semble avoir suivi au cours de ces quarante années des évolutions plus ou moins parallèles et se lance à présent, comme d’un commun accord, dans des entreprises voisines, bien que cette fois encore remarquablement distinctes, de subversion autobiographique. »40 Ce n’était certes « pas un hasard », nous le verrons, tant, durant les années 80, dans le champ des sciences humaines comme ailleurs, nombre de paramètres concouraient à un retour en grâce, non pas du sujet, mais de la question du sujet - ce qui n’est pas du tout la même chose. En effet, après « la mort de l’auteur » proclamée par Roland Barthes en 1968, année à plus d’un titre révolutionnaire, ce n’est pas à sa pure et simple résurrection que l’on assistait, mais plutôt à sa réapparition sur un mode spectral. N’oublions pas qu’en français, « celui qui revient » est désigné par le terme de « revenant »… Mais, durant sa disparition, dont le caractère provisoire n’apparaît qu’après-coup, « il » a tant changé que nous hésitons à « le » reconnaître sous sa nouvelle apparence ectoplasmique. Ainsi en allait-il durant les années 80, où le moi qui effectuait apparemment son retour n’était plus, à le scruter attentivement, que l’ombre de lui-même, hantant désormais l’écrit d’une présence fantomale - spectralité du sujet qui, aujourd’hui encore, de Patrick Modiano à Alain Fleischer, en passant par Marie NDiaye, informe nombre d’écritures elles aussi remarquablement distinctes, qui ne s’inscrivent d’ailleurs plus nécessairement dans le seul champ des littératures intimes, pour peu qu’il puisse être clairement circonscrit.
La réception et ses avatars
Réception journalistique : mélire, médire
En 2012, dans les rangs des spécialistes de littérature contemporaine, cette « spectralisation » du sujet constitue désormais l’objet de colloques, et est en passe de devenir un truisme critique de plus. Mais, en l’absence de recul historique, une telle altération du « moi qui revient » était-elle dès l’origine sensible ? Ou plutôt, sur un plan empirique, fut-elle perçue par les premiers lecteurs du Miroir qui revient ? La réponse à ces questions variera nécessairement selon l’échelle adoptée, c’est-à-dire en fonction de la sagacité du critique, de son degré de familiarité avec l’œuvre de Robbe-Grillet, comme des dispositions qu’il nourrit à son égard. Dans la critique journalistique, tout d’abord, dont la dimension « grand public » comme les fréquentes préventions contre Robbe-Grillet expliquent peut-être le schématisme du propos, c’est principalement la prétendue « nouvelle » orientation de l’écriture qui fut mise en exergue, sur fond de désaveu d’un tel « changement » de cap. Emblématique d’une telle attitude fut par exemple la recension du Miroir qui revient par Bertrand Poirot-Delpech, dans Le Monde du 18 janvier 1985 : « […] c’est bien d’une autobiographie en règle que, apparemment, il s’agit […] Comme un vulgaire ancien ministre ou une chanteuse au rancart, le pape du nouveau roman fouille sa généalogie et ses premiers souvenirs. »41 ; et le journaliste de railler la propension de l’écrivain « à raconter sa vie, ses aïeux, ses boucles d’enfants, ses tartes chaudes, ses genoux écorchés [conformément à] […] la vieille envie humaniste d’ordonner sa mémoire et le monde [autour de l’axe du] […] « Moi-je ». »42 Aujourd’hui, avec le recul du temps, une telle cécité critique paraît surprenante, mais elle fut assez largement partagée par de nombreux journalistes « littéraires », trop pressés de surprendre Robbe-Grillet en flagrant délit d’inconséquence. A leur décharge, plusieurs éléments pouvaient, du moins jusqu’à un certain point, concourir à une telle impression. Tout d’abord, rapporter le nouveau à l’ancien, l’inédit au déjà lu, constitue l’un des mécanismes élémentaires de l’activité de lecture, auquel nul n’échappe totalement. Il en va tout bonnement de la lisibilité du texte qui, comme l’a montré Jauss43, n’advient que sur fond d’un horizon d’attente déterminé - ici celui de l’autobiographie. De là à en inférer que nulle différence substantielle ne séparait Le Miroir qui revient des Mots de Sartre44, ou antérieurement des Confessions de Rousseau45, il y avait tout de même un pas qu’il eût mieux valu ne pas franchir. L’esthétique de la réception nous a en effet également appris que l’horizon d’attente peut fort bien être ponctuellement transgressé, à la faveur de l’introduction d’un écart esthétique, qui caractériserait les œuvres authentiquement novatrices : tel est le « moteur » de l’évolution des formes littéraires.
Ensuite, il est vrai que, des trois volumes dont nous disposons aujourd’hui, le premier est de loin celui qui prête le plus à confusion, en raison de l’importance indéniable qu’y occupe le vécu biographique de l’auteur, sous les aspects de la pittoresque chronique du clan familial et de ce topos de l’autobiographie qu’est l’évocation des années d’enfance. La subversion du genre y est par là même moins évidente que dans les volumes ultérieurs, puisque ce n’est qu’à partir d’Angélique ou l’Enchantement que, selon la formule de Mireille Calle-Gruber, Robbe-Grillet place « narrateur, protagoniste et lecteur […] en situation de fiction majeure »46. Dès lors, plus de méprise possible, comme l’atteste ce commentaire du même Poirot-Delpech, dans Le Monde du 5 février 1988, cette fois : « Le mot autobiographie s’applique mal. Ce n’est pas le genre de Robbe, ni celui de Grillet, de raconter à plat leurs chutes de vélo et les bibis de tantine. »47 Il aura donc fallu trois ans, et surtout un tour d’écrou supplémentaire dans le détournement de la doxa autobiographique, pour que tombent les œillères du critique… Du moins ce dessillement tardif vaut-il indice du type de confusion qu’autorisait encore la facture du Miroir qui revient, et que ne permettait déjà plus celle d’Angélique ou l’Enchantement, en attendant la parution des Derniers jours de Corinthe, troisième opus qui confirmera l’hétérodoxie de la démarche robbe-grillétienne en matière d’écriture intime.
Enfin, il est une dernière circonstance atténuante : en 1984, les lecteurs du premier volume de ce qui n’était pas encore une trilogie ne pouvaient être alertés par le surtitre de « Romanesques », qui ne fit son apparition qu’en 1988, et contribua dès lors à l’institution d’une forme de pacte d’écriture-lecture paradoxal. Baptiser ainsi ce « sous-ensemble » de l’œuvre relevait pour partie de la provocation puisque, du moins aux yeux de la doxa, le romanesque peut être perçu comme l’antithèse de l’autobiographique48. Mais simultanément, et à l’inverse, le choix d’une telle « étiquette », appliquée à un tel objet, jouait le rôle d’un potentiel facteur de lisibilité, en désignant depuis cet emplacement péritextuel stratégique la dialectique de l’accord et (surtout) de l’écart avec les habitudes génériques sur laquelle reposait cette entreprise autoscripturale d’un type nouveau. Que, privés de ce garde-fou ou de ce guide-âne interprétatif, dont nous disposons aujourd’hui, les lecteurs de 1984 se soient quant à eux mépris, peut donc paraître compréhensible.
Toutefois, ce qui est acceptable de la part du public l’est tout de même beaucoup moins venant des lecteurs professionnels que sont les critiques. Comme le signale Roger-Michel Allemand, « un travail de recherche élémentaire […] [suffisait] à s’apercevoir qu’une petite partie du Miroir, déjà rédigée, avait été éditée dans Minuit 31, en 1978, sous le titre de « Fragment autobiographique imaginaire » »49. Or, un tel titre valait à lui seul mise en garde, en raison de la présence en son sein de l’adjectif « imaginaire », qui suffisait à se démarquer de l’exigence de véridicité d’ordinaire associée à l’activité autobiographique. Quant au substantif « fragment », il soulignait dès l’origine un autre écart avec l’autobiographie canonique, qui repose, on le sait, sur l’établissement d’une continuité logico-chronologique, assez largement reconstruite a posteriori. De fait, au même titre que la tendance à la fabulation, ou que la dénonciation métacritique des lignes de faille fragilisant l’édifice de l’autobiographie traditionnelle, le fragmentaire joue un rôle majeur dans les Romanesques, dont il constitue le premier principe de composition - mieux vaudrait sans doute dire de dé-composition. Que cette prépublication partielle soit passée inaperçue de la critique journalistique peut encore, à la rigueur, se comprendre. Mais, puisque dès Le Miroir qui revient, l’importance du fragmentaire était signalée à l’attention de tout lecteur doté de la plus minime compétence interprétative, par la présence d’une fort inusuelle « table des matières », ainsi intitulée, et exhibant le désordre sélectif des opérations d’anamnèse, l’incapacité à percevoir qu’il s’agissait là de tout autre chose que d’une « autobiographie en règle » est tout de même beaucoup plus difficile à accepter.
D’autant que d’autres éléments jouaient très clairement un rôle de signal d’alarme ; à commencer par le texte de 4ème de couverture, où figurait en toutes lettres cette question effectivement des plus pertinentes : « […] est-ce vraiment une autobiographie ? » Et que dire des nombreuses séquences métatextuelles, où l’écart avec l’autobiographie canonique était on ne peut plus explicitement proclamé ? Il n’était par exemple besoin que de parcourir les 7 premières pages pour lire ceci : « Et c’est encore dans une fiction que je me hasarde ici. »50 Certes, le terme « autobiographie » est ponctuellement51 employé par l’auteur pour désigner sa propre entreprise ; certes, il est généralement plus prudent de ne pas prendre pour argent comptant les déclarations d’Alain Robbe-Grillet, souvent fort stratégiquement biaisées ; mais en l’occurrence, trop d’éléments convergents signalaient tout de même la césure introduite avec l’orthodoxie générique pour qu’on ne s’étonne pas aujourd’hui du diagnostic malencontreux formulé par plusieurs journalistes. Il est vrai, on l’a vu, que cette façon de « mé-lire » provenait pour partie d’une volonté de médire : que Robbe-Grillet raconte enfin sa vie, comme tout le monde, et c’étaient, sinon toute son œuvre antérieure, du moins les présupposés sur lesquels elle reposait qui s’en trouvaient disqualifiés… Belle preuve, si besoin était, que critique d’humeur et rigueur analytique ne font pas bon ménage. Bref, on l’aura compris, la parution du Miroir qui revient s’est accompagnée de nombreux malentendus et, dans le champ de la critique journalistique du moins, la « spectralisation » de ce « moi », qui lui aussi revenait, ne fut guère perçue.
Mais, à la réflexion, peut-être aurait-on tort de s’en affliger outre mesure. Après tout, comme le signale Antoine Compagnon, la lecture est une activité fondamentalement anarchique, de sorte que mécompréhension et mésinterprétation n’y sont pas l’exception, mais bien plutôt la règle52 - ici et ainsi confirmée. En outre, les malentendus entretenus par ces organes de presse, que l’auteur nommait avec condescendance « les gazettes », jouèrent très probablement un rôle dans le succès public du Miroir qui revient. « Son écriture paraîtra certes moins austère, moins « difficile » que ce à quoi il nous a habitués. » : cette prédiction de la 4ème de couverture se vérifia en effet, et le Miroir parut beaucoup plus accessible que les beaux romans gelés des débuts, plus lisible aussi que les dispositifs formaludiques qui suivirent, et se vendit nettement mieux. Plusieurs raisons à cela : tout d’abord l’évolution de l’écriture, au sens stylisticien du terme , le (trop) fameux « degré zéro » monté en épingle par Barthes cédant le pas à une phrase plus baroque, ne se défiant plus ni de l’adjectivité ni des méandres syntaxiques, et laissant même entendre ici ou là des accents « pompiers » - ce qui est somme toute compréhensible de la part de ce pyromane des Lettres, selon qui « Les peintres pompiers aiment l’incendie »53… Ensuite la « topique » même : l’histoire d’une famille pas comme les autres, fascinante dans son anticonformiste « anarchisme de droite ». Auteur roué s’il en fût, nonobstant ses préventions hautement proclamées contre l’autobiographie et ses faciles ficelles, Robbe-Grillet n’en donna pas moins sciemment en pâture à un public qu’il savait friand de ces nourritures un peu plus que des miettes de sa vie. A l’examen, chacune des Romanesques contient ainsi son lot de « révélations » croustillantes : l’enfance et la jeunesse dans une famille « anarcho-réactionnaire », sur fond de deuxième guerre mondiale dans Le Miroir qui revient : pitance des plus délectables pour un lectorat français qui n’en finit pas de se passionner pour le drame de l’occupation allemande, rythmée par l’opposition confortablement manichéenne de la résistance et de la collaboration ; les fantasmes sado-érotiques dans Angélique ou l’Enchantement : sujet universel cette fois que le sexe, et d’autant plus affriolant qu’il se complique et s’enrichit de perversion, sur fond d’aveux ; l’aventure du « Nouveau Roman » dans Les derniers jours de Corinthe : émoustillante, cette évocation des grandeurs et petitesses de l’intelligentsia française, comme si Gala ou Voici consacraient un numéro spécial à Marguerite Duras et Claude Simon… Bien sûr, ce « matériau narratif » fut à l’origine réellement vécu par Alain Robbe-Grillet, qui était donc fondé à l’exploiter ; bien sûr, les Romanesques sont en fait très loin de se limiter à la restitution brute de savoureuses ou piquantes « tranches de vie ». Il n’est donc pas question de reprocher à l’auteur le choix de ses topiques - d’autant moins que, en la matière, tout récit de soi implique une activité de sériation. Simplement, l’insistance sur/de ses thématiques permet d’expliquer que la parution des Romanesques ait valu à Robbe-Grillet un accroissement de son public, dont ni lui ni ses spécialistes n’auraient somme toute eu de motifs de se plaindre. Mieux vaut, me semble-t-il, être lu dans le monde entier pour de « mauvaises » raisons - pour peu que cela existe -, qu’être peu lu, ou que n’être pas lu du tout. Reste que, malgré la tendance notoire des lecteurs à occulter dans un texte les éléments qui dérogent à leurs habitudes et ainsi les gênent, le statut de la trilogie est trop ambigu, la conduite du récit y est trop déroutante, pour que la seule pulsion scopique suffise à motiver durablement l’acte de lecture. Aussi, passé le premier effet de surprise et dissipés les premiers malentendus, dès que la donne autoscripturale devint à l’évidence plus complexe avec Angélique ou l’Enchantement, nombre de lecteurs du premier volume furent mis en déroute. Et l’on put de nouveau, lors de la parution des Derniers jours de Corinthe, reprocher à Robbe-Grillet, comme si de rien n’avait été, son terrorisme intellectuel comme son anti-humanisme. Le temps était donc venu d’une nouvelle « relève », au sens hegelien du terme : ce fut La Reprise54(2001), véritable compendium de l’œuvre, et nouveau succès public. Mais c’est là, du moins pour partie, une autre histoire… Pour nous en tenir aux seules Romanesques, retenons donc, sans qu’on puisse aller jusqu’à parler d’unanimité, que la réception de la trilogie par la critique journalistique fut somme toute plutôt favorable, surtout pour Le Miroir qui revient, mais qu’elle se développa sur fond de considérables malentendus quant au statut des textes comme à la nature du projet qui les sous-tendait.
Réserves de la critique universitaire
Comme annoncé il y a quelques instants, changeons à présent d’échelle : qu’en fut-il dans le champ de la critique universitaire ? Dans cet autre cadre, un consensus s’établit aisément quant à la volonté de subversion des canons du genre autobiographique qui avait guidé Robbe-Grillet dans la conception et la réalisation de sa trilogie. C’est bien plutôt la façon dont fut appréciée, ou non, cette entreprise de détournement, qui permet de tracer ici une ligne de partage. Tout d’abord, on constate somme toute sans surprise que les spécialistes (déjà reconnus, ou encore en devenir) de l’auteur louèrent la démarche, qui à leurs yeux favorisait un renouvellement de l’œuvre sans reniement des « principes » qui depuis l’origine l’informaient : refus des idées reçues, valorisation contrastive de formes inédites, sur fond d’accord avec l’épistémè de l’époque (ici et maintenant). Ainsi peut-on saluer la sagacité critique de Tom Bishop, Pierre Van den Heuvel, Mireille Calle-Gruber, Alain Goulet, Roger-Michel Allemand, parmi d’autres chercheurs que leur fréquentation durable, attentive et bien intentionnée de l’œuvre prémunissait contre les grossiers contresens dont se sont rendus coupables certains journalistes littéraires. Pour autant, il ne s’agit pas d’identifier dans ces divers travaux « la » bonne lecture des Romanesques - monologisme réducteur qui risquerait de faire se retourner Alain Robbe-Grillet dans sa tombe ; ou plutôt de l’y faire ricaner, ce qui serait plus dans sa manière. Simplement de signaler qu’à rebours de certaines mésinterprétations flagrantes, ces lectures pouvaient se prévaloir de leur cohérence interne, apparemment confirmée et renforcée par un facteur externe : les déclarations de l’auteur, à la faveur notamment des nombreux « intervious » qu’il accorda durant les années 80-90. Mais qui de l’œuf ou de la poule ? Une telle convergence de vues peut en effet paradoxalement à son tour paraître problématique : lire les Romanesques comme une tentative aboutie de subversion de l’autobiographie par fragmentation et hybridation fictionnelle, entreprise au nom d’une lucidité aiguë quant au « manque d’être » de la conscience contemporaine, n’est-ce pas céder à la force d’intimidation herméneutique de l’auctoritas ? C’est-à-dire, au risque d’une forme de « servilité », lire comme Alain Robbe-Grillet entendait être lu - ni moins, certes, mais ni plus. D’autant que ces « clefs interprétatives » de la trilogie nous sont servies sur un plateau, non seulement à grand renfort de déclarations épitextuelles, mais encore du sein même des Romanesques, où l’auteur multiplie les séquences métatextuelles à valeur de « mode d’emploi ». En matière d’interprétation, on serait certes malavisé, par amour gratuit du contre-pied, d’adopter systématiquement une position inverse de celle que préconise l’auteur, mais peut-être conviendra-t-on qu’il y a tout de même ici quelque chose de gênant dans ce verrouillage de l’activité herméneutique. En effet, prendre au pied de la lettre les déclarations d’intention, pétitions de principe voire consignes de lecture exhibées par Robbe-Grillet reviendrait à entériner la mainmise totale de l’auteur sur son œuvre, dont notre réception serait alors vouée et limitée à l’obéissance la plus passive. Ferait ainsi fâcheusement défaut l’élément antagoniste, dont le rôle est de contrebalancer le désir d’ordre au sein d’un « couple de torsion » dynamique - fonction compensatoire dont j’ai déjà signalé que, dans le cadre de l’expérience littéraire, elle me paraissait pouvoir être assumée par le lecteur, ou par ce lecteur particulier qu’est le critique. Mais on aura remarqué que, pour me soustraire à l’emprise de l’auctoritas robbe-grillétienne, j’ai dû me réclamer d’un des « principes » (la lutte productrice de l’ordre et du désordre) qu’il a lui-même à maintes reprises énoncé. On ne sort pas si facilement du labyrinthe où nous enferment les méandres de son métadiscours, surtout si l’œuvre, et en amont son auteur, exercent sur nous une forme de séduction, voire de fascination.
Aussi peut-il être éclairant de prendre également en considération les lectures de chercheurs qui, soit ne se considèrent pas comme des spécialistes de Robbe-Grillet, soit, lorsqu’ils l’évoquent, ne font pas mystère du goût des plus modérés qu’ils éprouvent pour son œuvre. Si, comme d’ailleurs les productions antérieures de l’auteur, les Romanesques n’ont fait l’unanimité ni dans le public, ni dans la critique journalistique, il en est allé de même dans la critique universitaire - comme le montreront quelques exemples. Première posture : un relatif silence. Ainsi, sur les 300 pages environ que compte L’Autobiographie, ouvrage de Jacques et Eliane Lecarme55, six pages seulement contiennent une référence à Alain Robbe-Grillet, en comptabilisant la reproduction en encart d’un extrait des Derniers jours de Corinthe, à la rubrique « Autofictions » - ce qui est tout de même (très) peu. Est-ce surinterpréter ce « choix négatif » que de penser qu’aux yeux des auteurs, spécialistes éminents des écritures intimes, fût-ce en termes de « Renouvellements » (titre de la deuxième partie de leur ouvrage), la trilogie peut sans dommage être éclipsée par d’autres tentatives, comme celles de Perec, Barthes, Doubrovsky, Guibert, Ernaux, Juliet, etc. ? Sans aller jusqu’à parler de désaveu, paraît s’esquisser ici en creux comme une forme de mise en doute du potentiel novateur des Romanesques.
Deuxième posture : une critique vigoureuse. Telle est l’attitude de Philippe Lejeune qui, dans un ouvrage consacré à « Georges Perec autobiographe », La Mémoire et l’oblique56, estime que Perec a réussi là où Robbe-Grillet a échoué. Pour étayer ce verdict sévère, il oppose en particulier l’importance de l’obliquité et du non-dit dans W ou le souvenir d’enfance à la pesanteur didactique des incidentes métadiscursives dans Le Miroir qui revient et surtout dans Angélique ou l’Enchantement. Est donc mis en cause le côté « bavard » et « fabriqué » du livre, comme la tentative d’OPA sur l’interprétation dont Robbe-Grillet se serait ainsi rendu coupable - entre autres méfaits : l’ethos de l’écrivain et les valeurs ou contre-valeurs dont il se réclame ne sont pas pour rien dans cette condamnation, qui ne constitue au demeurant qu’un épisode parmi d’autres des relations conflictuelles de Lejeune et Robbe-Grillet.
Troisième posture : une critique de fond, dénonçant non pas les incidentes métatextuelles en tant que telles, mais la « légèreté » dont l’auteur y ferait preuve sur le plan théorique. Ainsi Laurent Jenny entreprend-il de relativiser la pertinence de certains passages autoréflexifs des Romanesques, en particulier ce long extrait du Miroir qui revient, où Robbe-Grillet « discrédite le style autobiographique en le présentant comme falsification »57 :
« Quand je relis des phrases du genre Ma mère veillait sur mon difficile sommeil, ou Son regard dérangeait mes plaisirs solitaires, je suis pris d’une grande envie de rire, comme si j’étais en train de falsifier mon existence passée dans le but d’en faire un objet bien sage conforme aux canons du regretté Figaro littéraire : logique, ému, plastifié. Ce n’est pas que ces détails soient inexacts (au contraire peut-être). Mais je leur reproche à la fois leur trop petit nombre et leur modèle romanesque, en un mot ce que j’appellerais leur arrogance. Non seulement je ne les ai vécus ni à l’imparfait ni sous une telle appréhension adjective, mais en outre, au moment de leur actualité, ils grouillaient au milieu d’une infinité de détails dont les fils entrecroisés formaient un tissu vivant. Tandis qu’ici j’en retrouve une maigre douzaine, isolés chacun sur un piédestal, coulés dans le bronze d’une narration quasi-historique (le passé défini lui-même n’est pas loin) et organisés selon un système de relations causales, conforme justement à la pesanteur idéologique contre quoi toute mon œuvre s’insurge. »58
Sans se laisser impressionner par le déploiement de cette parole autorisée voire autoritaire, Laurent Jenny émet les réserves suivantes :
-1°) certes, le récit autobiographique est inévitablement trahison du vécu, « en raison de la sélection qu’il opère dans la mémoire et qu’il aggrave par la linéarité du discours »59 ; mais cela suffit-il à le faire basculer dans la fiction ? A ce compte, puisque tout récit implique une activité de sériation, donc d’appauvrissement du réel dans le cas des récits référentiels (Histoire, science), tout récit serait nécessairement fictif, et nous ne pourrions plus distinguer entre fiction volontaire et fiction involontaire.
-2°) Certes, le récit autobiographique opère une « logification » de l’existence, puisqu’il organise rétrospectivement le passé selon une logique causaliste imperceptible au moment de la survenue des événements ; mais y voir une entreprise de falsification peut paraître excessif. Cette projection de relations causales dans des événements révolus n’est-elle pas tout bonnement une façon d’appréhender le réel, en l’interprétant ? En outre, même si la falsification de l’autobiographie était avérée, la référence au « modèle romanesque » n’en demeurerait pas moins problématique, puisque, en tant que genre fictionnel, le roman échappe par nature à toute épreuve de vérité - donc à d’éventuels reproches de « fausseté »60 .
-3°) L’imparfait du récit autobiographique ne signifie nullement que les événements ont été vécus comme déjà passés, simplement que l’autobiographe les considère depuis le moment présent, ce qui ne revient ni à mentir ni à inventer.
-4°) Quant à l’adjectivité, elle correspond certes à une « désignation a posteriori », mais donne seulement ainsi une forme verbale plus ou moins conventionnelle au vécu de l’autobiographe, sans pour autant nuire au crédit dont peut jouir son entreprise.
Il ne s’agit pas ici de valoriser outrancièrement la parole de l’universitaire au détriment de la parole de l’écrivain - ce qui pourrait me faire soupçonner de frilosité corporatiste. On pourrait d’ailleurs signaler que Laurent Jenny déforme quelque peu le propos de Robbe-Grillet en évoquant de façon récurrente la fiction, terme absent du passage qu’il commente, où la seule expression qui s’en approche est la formule beaucoup plus ambiguë de « modèle romanesque ». Mais plutôt que d’attribuer de bons ou de mauvais points à l’un ou à l’autre, ce qui importe en l’occurrence est de reconnaître la pertinence de la posture de Laurent Jenny, qui fait preuve de vigilance critique. Qu’on partage ou non l’intégralité de ses réserves face à la condamnation robbe-grillétienne de l’autobiographie comme abusive simplification, logification et trahison de l’existence, il n’en offre pas moins l’exemple salutaire d’un discours émancipé dans son principe de la mainmise de l’auteur sur le sens de son texte. Ce que nous enseigne ainsi en acte Laurent Jenny, c’est que les nombreuses séquences métatextuelles qui émaillent les Romanesques n’en constituent en aucune façon le dernier mot, mais qu’il ne s’agit là que d’une nouvelle strate textuelle, offerte - comme les autres, avec lesquelles elle interagit - à l’interprétation. En dépit d’apparences contraires, le récepteur de la trilogie est en effet convié à faire l’apprentissage, parfois inconfortable, de la liberté interprétative - attitude nécessaire pour échapper aux nombreuses chausse-trapes qui l’attendent au fil des textes.
Qu’il s’agisse de la genèse des Romanesques, de leur place dans l’œuvre d’Alain Robbe-Grillet, de la dialectique de la singularité et de l’exemplarité qui s’y manifeste, de leur réception par le public, la presse ou la critique universitaire, on aura donc constaté que rien n’est simple. Voilà qui n’est somme toute guère surprenant de la part d’un auteur - ennemi des certitudes acquises et du consensus (forcément…) mou - qui, sa vie durant, s’est ingénié à brouiller son image et à diviser. Mais l’un des paradoxes, et non des moindres, de cette œuvre réputée complexe, et à certains égards controversée, est qu’elle constitue un excellent objet didactique - quoi que l’on pense de ses qualités esthétiques. Tel est exemplairement le cas des Romanesques, pour qui souhaite réfléchir et faire réfléchir aux tenants et aux aboutissants des écritures de soi.
A suivre…61
1 Cet article - qui sera repris au printemps 2013 dans la revue Enjeux, aux Presses Universitaires de Namur - de même que sa suite (« « Ceci n’est pas une autobiographie » (Un exemple d’autofiguration : les Romanesques d’Alain Robbe-Grillet II)) », également à paraître dans Vox-Poetica et dans Enjeux) a été originellement présenté sous forme de conférence, à l’Université libre de Milan (IULM), au mois d’avril 2012. Je remercie chaleureusement Laura Brignoli, qui m’a permis de disposer de mon texte. Mes sincères remerciements vont également à Alexandre Prstojevic et David Vrydaghs, respectivement directeurs de Vox-Poetica et Enjeux, qui ont accepté que cette étude et sa suite paraissent à la fois dans ces deux revues.
2 J’emprunte cette notion à Laurent Jenny, qui pour sa part parle plutôt de « figuration de soi ». Voir « Méthodes et problèmes. La figuration de soi » (2003). Ce texte peut être consulté à l’adresse suivante :
http://www.unige.ch/lettres/framo/enseignements/methodes/figurationsoi/fsintegr.html
Date de consultation : le 6 octobre 2012.
3 Le Miroir qui revient (1984), Angélique, ou l’Enchantement (1987), Les derniers jours de Corinthe (1994), Paris, Ed. de Minuit.
4 Op. cit., p. 7 et 10.
5 Roland Barthes, « La mort de l’auteur », Manteia, n° 5, 1968 ; repris dans Le Bruissement de la langue, Paris, Ed. du Seuil, 1984, coll. « Points Essais » pour l’édition utilisée.
6 Paris, Ed. de Minuit, 1953.
7 Le Miroir qui revient, op. cit., p. 10.
8 Paris, Ed. de Minuit, 1957.
9 Comme l’a bien montré Yves Baudelle, « La Jalousie : les ambiguïtés d’un classique », Roman 20-50, hors sérien° 6, septembre 2010.
10 Paris, Ed. de Minuit, 1955.
11 Angélique, ou l’Enchantement, op. cit., p. 69. Cette formule est reprise dans « La confusion des langues », dans Alain Robbe-Grillet, Le Voyageur, Paris, Christian Bourgois, 2001, p. 289.
12 Op. cit., p. 69.
13 Roland Barthes par Roland Barthes, Paris, Ed. du Seuil, 1975, coll. « Ecrivains de toujours ».
14 Roger-Michel Allemand, Alain Robbe-Grillet, Paris, Ed. du Seuil, 1997, coll. « Les contemporains ».
15 Tous parus aux éditions de Minuit.
16 Cet article consistera pour l’essentiel en une telle phase de contextualisation. Les problématiques qui viennent d’être énumérées seront traitées ultérieurement, dans le second volet de ce diptyque consacré à l’autofiguration dans les Romanesques.
17 Le Miroir qui revient, op. cit., p. 12.
18 Georges Perec, W ou le souvenir d’enfance, Paris, Denoël, 1975.
19 Op. cit.
20 Serge Doubrovsky, Fils, Paris, Galilée, 1977.
21 Nathalie Sarraute, Enfance, Paris, Gallimard, 1983.
22 Marguerite Duras, L’Amant, Paris, Ed. de Minuit, 1984 (Prix Goncourt).
23 Robert Pinget, Le Harnais, Paris, Ed. de Minuit, 1984.
24 Sur cette notion, voir Gilles Lipovetsky, L’Ere du vide, Paris, Gallimard, 1983.
25 Le Miroir qui revient, op. cit., p. 11.
26 Antoine Compagnon, Les cinq paradoxes de la modernité, Paris, Ed. du Seuil, 1990.
27 Sur cette notion, voir Mireille Calle-Gruber, « Alain Robbe-Grillet ou la reprise-en-avant », Critique, n° 651-652, août-septembre 2001.
28 Roger-Michel Allemand, « La diagonale du fou », dans Frank Wagner et Francine Dugast-Portes (éds.), Lectures de Robbe-Grillet, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2010.
29 Sauf, bien sûr, à prendre le substantif « passion » dans son sens étymologique : ce que l’on subit, à son corps défendant.
30 Le Miroir qui revient, op. cit., p. 212, « le réel commence juste au moment où le sens vacille » ; idée qui doit beaucoup à la pensée de Jacques Lacan.
31 Alain Goulet, « Introduction aux Romanesques », dans Imaginaires, écritures, lectures de Robbe-Grillet. D’un régicide aux Romanesques (en collaboration avec Roger-Michel Allemand), Lion-sur-Mer, Arcane-Beaunieux, 1991, p. 49.
32 Roland Barthes par Roland Barthes, op. cit., p. 6.
33 Paul Valéry, Cahiers 2, Paris, Gallimard, 1974, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », p. 319.
34 Alain Robbe-Grillet, L’Homme qui ment (1968). Ecrit et réalisé par Alain Robbe-Grillet ; producteur délégué : Samy Halfon ; production : Como Films (Paris), Lux-CCF, Ceskolovensky Film (Bratislava).
35 Selon la formule de Philippe Lejeune, La Mémoire et l’oblique. Georges Perec autobiographe, Paris, POL, 1991.
36 Les derniers jours de Corinthe, op. cit., p. 222-229.
37 Georges Perec, Je me souviens, Paris, Hachette, 1978.
38 Voir Philippe Lejeune, L’Autobiographie en France, Paris, Armand Colin, 1971 ; et Le Pacte autobiographique, Paris, Ed. du Seuil, 1975, coll. « Poétique ».
39 Jacques Lacan, Ecrits, Paris, Ed. du Seuil, 1966, p. 94.
40 Les derniers jours de Corinthe, op. cit., p. 86.
41 Cité par Roger-Michel Allemand, Duplications et duplicité dans les « Romanesques » d’Alain Robbe-Grillet, Paris, Minard, 1991, coll. « Archives des lettres modernes », p. 5. On notera toutefois la modalisation du propos par l’emploi de l’adverbe « apparemment », indice probable des doutes du critique quant à l’orthodoxie générique (de fait, éminemment problématique…) du Miroir qui revient.
42 Idem.
43 Hans Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception (1972-1975), Paris, Gallimard, 1978 pour la traduction française utilisée.
44 Jean-Paul Sartre, Les Mots, Paris, Gallimard, 1964 ; puis coll. « Folio », 1972 (1987 pour l’édition utilisée).
45 Jean-Jacques Rousseau, Les Confessions (1782-1789, posthume), Paris, Gallimard, 2009, coll. « Folio classique » pour l’édition utilisée.
46 Mireille Calle-Gruber, « Alain Robbe-Grillet, l’enchanteur bio-graphe », Littérature, n° 92, décembre 1993, p. 27.
47 De nouveau cité par Roger-Michel Allemand, Duplications et duplicité dans les « Romanesques » d’Alain Robbe-Grillet, op. cit., p. 5.
48 Disons, plus prudemment, qu’en règle générale le fictionnel et le référentiel peuvent être distingués, aussi longtemps du moins que l’on ne prend pas en considération les nombreux échanges plurivoques qui se déploient entre ces deux pôles.
49 Duplications et duplicité dans les « Romanesques » d’Alain Robbe-Grillet, op. cit., p. 6.
50 Le Miroir qui revient, op. cit., p. 13.
51 Ibidem, p. 9 et passim.
52 Antoine Compagnon, Le Démon de la théorie. Littérature et sens commun, Paris, Ed. du Seuil, 1998, coll. « La couleur des idées », chapitre 4 (« Le lecteur ») ; voir en particulier les pages 152 et 153.
53 Les derniers jours de Corinthe, op. cit., p. 148. Robbe-Grillet y attribue cette formule à Ruskin.
54 Alain Robbe-Grillet, La Reprise, Paris, Ed. de Minuit, 2001.
55 Jacques Lecarme et Eliane Lecarme-Tabone, L’Autobiographie, Paris, Armand Colin, 1997 ; 2004 pour l’édition utilisée.
56 Op. cit.
57 Laurent Jenny, « Méthodes et problèmes. L’autofiction » (2003), p. 3.
Ce texte peut être consulté à l’adresse suivante :
http://www.unige.ch/lettres/framo/enseignements/methodes/autofiction/afintegr.html
Date de consultation : le 6 octobre 2012.
58 Le Miroir qui revient, op. cit., p. 17.
59 Laurent Jenny, « Méthodes et problèmes. L’autofiction », art. cit., p. 4. Les lignes qui suivent consistent en une reformulation des arguments de Laurent Jenny.
60 Sur cette question, voir Margaret Macdonald, « Le langage dans la fiction » (1954), Poétique, n° 78, avril 1979 pour la traduction française ; reprise dans Gérard Genette (éd.), Esthétique et poétique, Paris, Ed. du Seuil, 1992, coll. « Points Essais ».
61 Sous le titre de « Ceci n’est pas une autobiographie », paraîtra ultérieurement le deuxième volet de ce diptyque consacré à l’autofiguration dans la trilogie des Romanesques. Il s’agira plus particulièrement d’y examiner les rapports de l’écriture robbe-grillétienne aux codes (hypo-)génériques (autobiographie, autofiction), sur fond de prise en compte des mutations de la conception du sujet à l’époque contemporaine.
01 / 01 / 2013