Tension narrative, curiosité et suspense :
les deux niveaux de la séquence narrative
Raphaël
Baroni
Conférence
au CRAL : La narratologie aujourd’hui – le 6 janvier 2004
Introduction
Avant
d’entrer dans le vif du sujet, j’aimerais dire quelques mots au sujet
de ce séminaire consacré à la narratologie : j’avoue que je suis
particulièrement bien placé pour apprécier son intérêt vital, ne serait-ce
que pour justifier mes propres recherches, parce que cet intitulé, « La
narratologie aujourd’hui » présuppose, au moins hypothétiquement,
que la narratologie existe bel et bien en tant que discipline vivante
en France. John Pier a déjà insisté à plusieurs reprises sur le fait
qu’il fallait aujourd’hui plutôt parler de narratologies (au pluriel)
et que ces courants, multiples et parfois divergents, sont principalement
actifs dans le monde anglo-saxon et ont progressivement pris leurs distances
par rapport aux travaux narratologiques classiques de la période structuraliste.
Dans la deuxième séance de novembre, Philippe Roussin soulignait quant
à lui que le débat narratologique se poursuivait maintenant essentiellement
dans des revues de langue anglaise et, comme me le faisait remarquer
récemment Marielle Macé, les « jeunes » narratologues semblent
avoir pratiquement disparu du milieu académique français. Je fais donc
probablement figure de dernier des mohicans qui, en participant à ce
séminaire, aurait trouvé refuge dans une réserve.
Cela
peut paraître, soit exagérément modeste, soit particulièrement présomptueux
de m’attribuer une telle étiquette, mais il me semble en effet que traiter
de la question de la séquence narrative, non pas dans une perspective purement historique,
mais bien dans l’espoir de faire avancer la question, cela tient, pour
le moins, de la gageur, surtout si l’on songe que ce concept était au
cœur de la plupart des travaux structuralistes sur le récit dans les
années soixante et soixante-dix. Il me semble que traiter de la séquentialité
du texte narratif, c’est donc s’attaquer au cheval de bataille de la
version intégriste radicale dure des travaux structuralistes ;
c’est se pencher sur la tradition proppienne réinterprétée par Greimas,
Courtès, Lévi-Strauss, Bremond, Larivaille, Todorov, et j’en passe ;
c’est aborder des travaux centrés sur ce qui était autrefois défini
comme la « structure profonde » du texte, sur la forme essentialisée
de la fabula, que l’on s’imaginait à la fois autonome et immanente,
et qui laissait de côté la dimension pragmatique et discursive des textes
narratifs.
Disons-le
d’emblée, si la tradition narratologique anglo-saxonne semble aujourd’hui
plus dynamique que celle qui perdure dans l’espace français, c’est probablement
en grande partie parce que la sémiotique Piercéenne s’est montrée sur
le long terme plus efficace que les travaux d’inspiration Saussurienne
pour traiter le phénomène des structures narratives dérivées des récits.
La critique passionnante que nous a donnée Philippe Roussin dans l’avant-dernière
séance, du dualisme entre expression et contenu
qui, dans le cadre du récit de fiction, se retrouve dans le dualisme
hérité des formalistes russes entre fable
et sujet, ou entre histoire et discours,
nous en fournit la preuve. Nous verrons par la suite que, pour maintenir
cette distinction, qui me paraît tout de même précieuse d’un point de
vue heuristique, il est nécessaire de recourir au modèle sémiotique
d’Umberto Eco, qui opère précisément un renouvellement de la perspective
structuraliste en l’enrichissant des apports de la sémiotique piercéenne.
Nous insisterons en particulier sur le fait que Eco considère qu’une
structure textuelle comme la fabula est un interprétant du texte, c’est-à-dire le produit sémiotique
issu de la manifestation linéaire d’un texte interprété par un sujet
pourvu de compétences encyclopédiques spécifiques.
Nous verrons que pour comprendre le phénomène de la séquence narrative
aujourd’hui, il faudra donc toujours garder à l’esprit ces différents
pôles que sont :
-
la trace textuelle, qui
n’est qu’un texte potentiel ;
-
le lecteur, qui actualise
ce texte par l’acte de lecture ;
-
la compétence encyclopédique qui rend possible cette actualisation ;
-
les structures narratives,
qui sont des interprétants
résultant de la rencontre du texte
et du lecteur et qui décrivent
une organisation séquentielle du texte au-delà des limites de la phrase.
Il
me semble qu’une autre cause du dynamisme anglo-saxon tient également
à l’orientation plus pragmatique
et empiriste de certains
courants d’analyse du récit qui ont fini par se rapprocher de la narratologie
et par lui fournir des outils particulièrement performants. Je pense
notamment au courant cognitiviste
et aux travaux en intelligence artificielle
qui ont permis de redonner une certaine consistance à ces concepts théoriques
fondamentaux, mais relativement vagues dans les théories de la lecture,
que sont, suivant les terminologies, les compétences encyclopédiques (pour Eco) ou les préjugés (pour Gadamer) ou le répertoire (pour Iser) ou l’horizon d’attente (pour Jauss) ou la préfiguration (pour Ricœur). Ainsi, dans la bibliographie que je
vous ai fournie, je soulignerai en particulier les travaux de Bertrand
Gervais, qui m’ont été particulièrement utiles et qui intègrent notamment
la notion de plan-acte tirée des travaux en intelligence artificielle
de Schank et Abelson, et ceux de Brewer qui, dans une perspective cognitiviste,
traite précisément de la question de la tension narrative sous la forme
du suspense, de la curiosité et de la surprise. D’autres notions, auxquelles je ne ferai pas appel
aujourd’hui, mais qui sont d’un intérêt considérable pour la narratologie
qui s’intéresse à la séquentialité du texte, sont les concepts de script et de schéma
qui viennent également des travaux en intelligence artificielle et de
la psychologie cognitive.
Dans
tous les cas, ces approches fournissent des modèles concrets qui peuvent
être mis à l’épreuve, à travers des tests de résumé ou de mémorisation soumis à des groupes de lecteur, ou par l’intermédiaire
de programmes informatiques, dont les capacités à désambiguïser une
phrase peuvent être évalués. Loin de fournir des modèles abstraits,
immanents, dont le statut ontologique resterait assez vague, la séquence
narrative prend dans ces recherches une forme concrète qui débouche
soit sur une simulation informatique, soit sur un modèle mental empiriquement
vérifiable, modèle qui vise à définir la nature et la forme des schèmes
mentaux qui permettent aux lecteurs d’appréhender, de reconstruire ou
d’anticiper une structure narrative. Il me semble que ce statut ontologique
de la séquence, en tant que schème mental présupposé qui assure une
fonction de médiation dans la communication littéraire, même s’il est
parfois discutable et est encore discuté, représente néanmoins ce qui
fait le plus défaut aux théories narratologiques « classiques »
ou « structuralistes », qui considèrent au contraire la séquence
comme une propriété immédiate du texte, comme un signifié
(dans ce cas, l’histoire narrée) placé dans une relation d’équivalence avec un signifiant (qui serait le discours narratif).
Il
me faudra donc préciser, ce qui peut être parfois laborieux mais néanmoins
nécessaire, les distances que je prends par rapport aux travaux structuralistes
dans le prolongement desquels je situerai malgré tout mes propos, mais
il me semble qu’au bout du compte, je ne dirai pas grand-chose de très
nouveau sur la séquence narrative, et que j’en reviendrai à une conception
assez classique de la structuration des textes narratifs. Il faut voir
dans cette présentation, qui renonce à l’originalité, un certain optimisme
épistémologique qui me fait penser que ce n’est pas parce que l’horizon
théorique d’hier s’est profondément modifié que nous devons penser que
les narratologues qui nous ont précédé ont dit n’importe quoi. Il me
semble qu’ils se sont seulement exprimés dans un cadre théorique un
peu radical, qui visait à libérer l’analyse littéraire du psychologisme
lansonien, et qui doit être aujourd’hui réadapté à notre vision contemporaine,
qui appréhende le discours littéraire comme une production sémiotique
plus ou moins déterminée par des codes.
En
revanche, et malgré ce que je viens de désigner comme un certain optimisme
épistémologique, il me semble nécessaire de pointer du doigt certaines
confusions, et même une certaine régression dans la compréhension de
la structuration séquentielle du récit entre les positions défendues
par les formalistes dans les années vingt et la conception structuraliste
dominante qui s’est fondée, dans la majeure partie des cas, sur une
lecture discutable de Propp, au lieu de poursuivre dans la direction
ouverte par la conception dialogique de Bakhtine, et de prendre appuis
sur les réflexions de Tomachevski sur le récit qui me paraissent très
fécondes et largement sous-exploitées. Son article Thématique
qui fut traduit en 1965 par Todorov dans son recueil de textes intitulé
Théorie de la littérature,
constituera donc le cœur de mon analyse.
Quoi
qu’il en soit, avant de revenir sur ces différentes questions théoriques,
j’essaierai de justifier mon intérêt pour la question de la séquence
narrative et je commencerai par confesser, sincèrement, que je ne pensais
avoir à aborder ce genre de problèmes théoriques en commençant à travailler
sur ma thèse. Ce n’est que progressivement, en avançant dans mes recherches,
que cette question de la séquentialité du texte s’est imposée à moi.
Il n’est donc pas inutile d’opérer un détour rapide sur les circonstances
qui m’ont amenées à traiter ce sujet, avant d’expliquer comment j’entrevois
aujourd’hui la séquence narrative.
A
l’époque où je travaillais dans le groupe de recherche « récit,
secret et socialisation » que dirige André Petitat à l’Université
de Lausanne, j’envisageais de traiter les jeux de bascule entre information
cachée et dévoilement dans l’expression littéraire, ce qui m’a naturellement
conduit à m’intéresser à la question de la coopération textuelle et
discursive, notamment par le biais de l’approche sémiotique d’Umberto
Eco. Dans ce contexte théorique, retenir stratégiquement une information
importante l’action décrite pouvait être interprété comme un jeu
sur la coopération entre auteur et lecteurs, jeu qui vise à créer un effet de lecture particulier,
une incertitude provisoire, de la même manière qu’une implicitation
conversationnelle est décrite par Grice comme une transgression ouverte
de certaines règles conversationnelles, amenant l’interlocuteur à construire
des inférences à partir du discours manifeste.
Progressivement,
je me suis laissé convaincre que la notion narratologique qui semblait
correspondre le mieux à cet effet littéraire qui consiste à retarder
l’exposition d’un élément du discours que le lecteur est conduit à attendre
ou à anticiper avec impatience était
la tension dramatique
que, pour éviter des confusions avec la notion de drame, je propose
de renommer la tension narrative.
Or, cette tension narrative,
qui est évoquée dans l’article de Tomachevski sur lequel nous reviendrons,
mais également dans les ouvrages sur le récit de Jean-Michel Adam, de
Françoise Revaz ou de Bourneuf et Ouellet que vous retrouvez en bibliographie,
semble avoir été largement sous-évaluée et presque complètement ignorée
par les travaux structuralistes des années soixante et soixante-dix.
Il me semble que la raison pour laquelle la tension narrative
peut apparaître comme le parent pauvre de l’analyse narratologique peut
s’expliquer de plusieurs manières.
D’une
part, parce que les œuvres qui exploitent la tension narrative ont généralement
été considérées d’emblée comme commerciales et sans valeur, surtout
durant la période où la narratologie structuraliste était à son apogée,
période qui coïncide avec l’époque durant laquelle le Nouveau Roman ou l’antiroman monopolisait
la majeure partie du capital symbolique attribué aux œuvres de fiction
dans le champ littéraire français. La réticence de Barthes dans S/Z
à prendre en considération la lecture linéaire et l’assimilation, dans
Le Plaisir du texte, du
suspense à un strip-tease excitant une pulsion voyeuriste adolescente
me semblent éloquentes à cet égard. D’autre part, et c’est peut-être
le point le plus important, il me semble que la tension narrative
était difficile à traiter sans prendre en considération la participation
du lecteur ce qui, dans les travaux de narratologie classique, était
impossible. Il est intéressant de constater à cet égard que la tendance
à été le plus souvent au découplage de la question de la tension
(considérée comme un phénomène sémantique isolé, ou comme un effet ponctuel
visant à relever l’intérêt du
texte) découplage donc de la question de la tension et de celle de la séquence, qui est considérée quant à elle comme une propriété
structurale et fondamentale du texte. De la même manière, on a fini
par effacer le fait, pourtant évident du point de vue de l’étymologie,
que construire une intrigue consistait précisément à intriguer son lecteur
et que intrigue et séquence narrative sont de parfaits synonymes.
Comme
je l’ai suggéré à plusieurs reprises au cours de cette longue introduction,
le fait que la narratologie contemporaine soit contrainte aujourd’hui
d’appréhender les structures narratives en les considérant comme des
interprétants abstraits par un
lecteur à partir de la manifestation linéaire du texte, me pousse à
considérer au contraire que la tension narrative, puisqu’elle présuppose
justement un jeu sur la coopération textuelle, représente une voie royale
pour mieux comprendre comment se structurent les récits. En effet, si
nous considérons ces deux sous espèces conventionnelles de la tension
narrative que je définirai par la suite comme la curiosité
et le suspense, il est facile de saisir comment un effet de tension
à la réception d’un récit peut être instrumentalisé pour structurer
le discours narratif :
Dans
un article que vous trouvez en bibliographie et qui porte sur le suspense
au cinéma, Hans Wulff parle d’éléments cataphoriques et anaphoriques du
discours. Un exemple de cataphore serait par exemple la présentation d’un requin tueur
affamé évoluant dans les environs d’une plage peuplée de baigneurs insouciants,
présence qui amène les spectateurs à attendre, généralement avec une
certaine inquiétude, une issue qui fonctionne comme un élément anaphorique, par exemple le décès prématuré d’un baigneur qui sert
de repas au squale. Mais il faut préciser qu’une telle anaphore est
assez fragile, car l’appétit du requin ne peut être comblé que provisoirement.
On attend alors, au terme d’une dangereuse expédition, la mise à mort
du requin tueur qui servira de clôture finale au récit en rétablissant
un équilibre durable.
La
tension définit par conséquent
les contours d’une intrigue en créant et en résolvant une instabilité
qui se manifeste, phénoménologiquement parlant, par une tension, ou
une incertitude, provisoirement entretenue dans le processus de la lecture
linéaire.
Du
point de vue de la coopération textuelle, la différence entre curiosité
et suspense peut alors être définie de la manière suivante (vous
retrouvez ces définitions sur les polycopiés que je vous ai distribués) :
a) Il
y a création d’un « effet de suspense » quand, face à une
situation narrative incertaine dont on désire impatiemment connaître
l’issue (dans le vocabulaire de Eco on parlerait d’une « disjonction
de probabilité » signalée comme importante), il y a retardement
stratégique de la réponse par une forme quelconque de réticence textuelle
(fin de chapitre ou d’épisode, péripétie, ralentissement de l’action,
etc.).
Une
question typique que pourrait se poser le lecteur d’un récit structuré
par le suspense serait par exemple :
« Quelle sera l’issue du conflit ? » ou « Qui va
gagner ? » ou « Le héros va-t-il y arriver ? »
ou encore « Le requin va-t-il le manger ? »
J’ajouterai
une remarque pour signaler une spécificité du suspense « littéraire » :
c’est que, dans un récit conversationnel, ainsi que l’a montré Labov,
ou dans un fait divers journalistique, il y a généralement un résumé
de l’action avant le développement, ce qui s’explique par la nécessité
d’éviter la création d’une tension que l’interlocuteur jugerait trop
peu coopérative. Imaginons par exemple que nous apprenions qu’un proche
a eu un accident de la route et que nous téléphonions à l’hôpital pour
prendre de ses nouvelles : je pense que si l’infirmier nous racontait
en détail, et dans l’ordre, tous les événements du sauvetage, de l’arrivée
aux urgences, de l’anesthésie et de l’opération avant de nous dire si
notre proche s’en est finalement sorti sans trop de dommages, nous serions
en droit de penser qu’il coopère très mal et que la nature passionnante
de son récit ne compense en rien son manque de pertinence. Il me semble
par conséquent que le développement linéaire de l’intrigue, sans ce
que Genette appellerait une prolepse qui aurait pour effet de désamorcer
la tension narrative, n’est jugé acceptable que dans un contexte littéraire,
dans lequel il devient même un critère positif, car il relève l’intérêt
du discours. Nous voyons également à travers cet exemple que, lorsque
le discours colle parfaitement aux événements en adoptant leur chronologie,
nous ne sommes pas à une sorte de degré zéro de la représentation de
l’action, mais qu’il s’agit bien là, au contraire, d’un travail du discours
en vue de créer un effet spécifique : en l’occurrence, de créer
du suspense. Le degré zéro de la narration conversationnelle, c’est
quand l’efficacité dans l’échange d’information est maximal, c’est à
dire quand l’information la plus importante est dévoilée en premier,
or cette dernière, dans un récit, porte en général sur l’issue des événements
et non sur leurs circonstances. Le degré zéro du récit, c’est donc le
récit antichronologique et la chronologie n’est pas le récit sans intrigue,
mais bien la mise en intrigue du récit productrice de tension dans l’acte
de réception, en l’occurrence, cette tension prenant la forme du suspense.
Nous
allons voir maintenant la définition de la seconde modalité de la mise
en intrigue qui n’implique pas un développement linéaire de l’action,
mais exploite au contraire une énigmatisation de la représentation.
b)
Il y a création d’un
« effet de curiosité » quand on constate que la représentation
de l’action est incomplète par rapport à ce qui est nécessaire
au lecteur pour que sa compréhension soit optimale. Quand l’incomplétude
du discours s’accompagne de l’attente (par « pacte de lecture »)
d’une clarification que fournira le texte après un certain délai, la
curiosité produit l’une des modalités principales de la tension narrative.
Dans ce cas, il y a également une forme quelconque de retardement
stratégique de la réponse.
Une
question typique que pourrait se poser le lecteur d’un récit structuré
par la curiosité serait par exemple :
« Qui est l’assassin ? » ou « Qui l’a fait ? »
(le whodunit ? dont
parlait Hitchcock dans ses entretiens avec Truffaut) ou « Qu’est-ce
qui s’est passé ? » ou encore « Comment en est-on arrivé
là ? ». L’existence de cette deuxième modalité de la mise
en intrigue met en évidence le fait que la séquence narrative définit bien une séquence du texte, et pas nécessairement une séquence d’action. C’est l’impatience du lecteur de parvenir au dénouement
du récit qui crée la tension et structure le texte, et ce dénouement
ne recouvre pas nécessairement le dénouement de l’action.
Je
chercherai à démontrer à partir de maintenant que cette façon de définir
la séquence narrative à partir de tensions d’origines diverses dans
le processus de la lecture linéaire n’est pas totalement étrangère aux
travaux de Roland Barthes, notamment dans sa fameuse lecture du roman
de Balzac Sarrazine, qui offre
une esquisse d’une théorie de la lecture des textes littéraire. On retrouve
une perspective analogue dans l’ouvrage de Charles Grivel qui porte
sur la question de l’intérêt romanesque et dont le corpus, composé de
romans populaires de la fin du dix-neuvième siècle, a pour nature de
ne pas masquer les enjeux de la mise en intrigue. Je pense que, par
ailleurs, cette perspective est au moins implicitement posée dans l’article
Thématique de Tomachevski
et que, si cet article avait servi de base à l’analyse de la séquentialité
du récit, au lieu de la définition de la séquence que donne Propp dans
sa Morphologie du conte,
on aurait évité certaines confusions fâcheuses. Il me semble que la
tendance qui a amené certains narratologues à découpler la question
de la séquentialité du récit avec
celle de sa mise en intrigue,
c’est-à-dire de la configuration des actions par le discours, est particulièrement
dommageable. La séquence narrative n’est pas, selon moi, la forme de
la structure « profonde », essentialisée ou immanente, de
l’action dans son déroulement chronologique et causal, mais elle relève
au contraire toujours d’un « effet du discours », et cela,
même quand elle est structurée par le suspense, qui implique un développement
parallèle de la narration et de l’histoire narrée.
Avant
de montrer comment Tomachevski envisage, selon moi, ces deux formes
complémentaires de mise en intrigue, j’aimerais dire quelques mots du
code herméneutique tel que Barthes
le définit dans S/Z et
qui me semble illustrer les points déjà soulevés. Empruntant une métaphore musicale, Barthes affirme en
effet que la « mélodie » du récit, « ce qui chante, ce
qui file, se meut par accidents, arabesques et retards dirigés, le long
d’un devenir intelligible », c’est le code herméneutique, c’est-à-dire « la suite des énigmes, leur dévoilement
suspendu, leur résolution retardée » (1970 : 32). Face à la
grande majorité des travaux narratologiques qui, à la suite de Propp
(1970), visent à cerner la structure du récit exclusivement par le biais
de « l’action d’un personnage définie du point de vue de sa signification
dans le déroulement de l’intrigue » (Propp 1970 : 31), il
me semble que le grand mérite de Barthes a été de souligner l’importance,
dans la structuration du récit, non plus seulement du devenir temporel
de l’action représentée, mais également du développement de l’énigme,
c’est-à-dire des incertitudes du lecteur, textuellement générées, stratégiquement
entretenues et finalement résolues par la narration. Ainsi, il soutient
que (vous trouvez ce texte dans votre dossier) :
Le
code herméneutique, en effet, a une fonction, celle-là même que l’on
reconnaît (avec Jakobson) au code poétique : de même que la rime
(notamment) structure le poème selon l’attente et le désir du retour,
de même les termes herméneutiques structurent l’énigme selon l’attente
et le désir de sa résolution. La dynamique du texte (dès lors qu’elle
implique une vérité à déchiffrer) est donc paradoxale : c’est une
dynamique statique : le problème est de maintenir l’énigme
dans le vide initial de sa réponse ; alors que les phrases pressent
le « déroulement » de l’histoire et ne peuvent s’empêcher
de conduire, de déplacer cette histoire, le code herméneutique exerce
une action contraire : il doit disposer dans le flux du discours
des retards (chicanes, arrêts, dévoiements) ; sa structure
est essentiellement réactive, car il oppose à l’avancée inéluctable
du langage un jeu échelonné d’arrêts : c’est, entre la question
et la réponse, tout un espace dilatoire, dont l’emblème pourrait être
la « réticence », cette figure rhétorique qui interrompt la
phrase, la suspend et la dévie. (Barthes 1970 : 75)
Le
point le plus important soulevé par Barthes me semble résider dans le
fait que la notion de code herméneutique permet de souligner l’importance des effets
de lecture dans la structuration
séquentielle du récit, tout comme Wulff qui mettait en relation le suspense
avec les notion de cataphore
et d’anaphore. En effet,
ainsi que le précise Barthes, c’est bien parce que les efforts interprétatifs
du lecteur se heurtent à la « réticence textuelle » que le
code herméneutique « structure » le récit à la manière du
code poétique « selon l’attente et le désir
du retour ». Le code herméneutique permet donc de faire le lien
entre la structuration du texte et sa réception par le lecteur. Ce lien
est d’une importance capitale si l’on songe que c’est son absence qui
a longtemps constitué le principal reproche adressé aux travaux des
narratologues qui considéraient la séquence comme une propriété immanente
des textes.
Si
le Méfait constitue chez Propp
une borne initiale de la séquence du conte merveilleux russe et la Réparation
sa borne finale, c’est bien parce que, chez le lecteur, le Méfait provoque l’attente et le désir de la Réparation, et que cette dernière fonction résout et, en quelque
sorte, annule la précédente. La « séquence d’action » définie
par Propp, si elle n’était pas génératrice de l’attente d’une résolution
pour le lecteur, ne serait qu’une succession de fonctions, c’est-à-dire
d’événements, qui ne permettraient pas de conférer au texte sa complétude,
son unité et sa totalité, qui sont considérées comme les propriétés
essentielles de l’intrigue depuis Aristote jusqu’à Ricœur.
On
constate en outre, à la lumière du texte de Barthes, que la création
de l’attente et de la résolution, qui vise à renforcer l’intérêt du
discours et à le structurer pour le lecteur, ne passe pas exclusivement
par le développement causal des actions des personnages, mais qu’il
peut tout aussi bien se situer au niveau de la recherche d’une cohérence
interprétative que le texte refuse de livrer d’emblée. Todorov a bien
saisi cette nuance dans sa typologie du roman policier, dans laquelle
il souligne l’opposition entre la dynamique narrative du roman noir
et celle du roman à énigme classique :
[…]
on se rend compte ici qu’il existe deux formes d’intérêt tout à fait
différentes. La première peut être appelée la curiosité ; sa marche va de l’effet à la cause : à partir
d’un certain effet (un cadavre et certains indices) il faut trouver
sa cause (le coupable et ce qui l’a poussé au crime). La deuxième forme
est le suspense et on va ici de la cause à l’effet : on nous montre
d’abord les causes, les données initiales (des gangsters qui préparent
de mauvais coups) et notre intérêt est soutenu par l’attente de ce qui
va arriver, c’est-à-dire des effets (cadavres, crimes, accrochages).
(Todorov 1971 : 60)
Les
remarques de Todorov portent ici sur l’intérêt romanesque, et pas directement
sur la question de la séquence narrative, qui a longtemps été considérée
du point de vue exclusif du déroulement chronologique et causal de l’action
des personnages, mais si la question de l’intérêt et de la séquentialité sont liées, comme le présuppose la notion de code
herméneutique définie par Barthes,
on voit se dessiner une nouvelle conception opposant deux types distincts
de séquences. En réalité, le seul événement qu’il est possible de considérer,
au moins dans un premier temps, comme linéaire, c’est l’acte de lecture
qui saisit les événements de l’intrigue selon l’ordre choisi par l’auteur.
Nous voyons donc, une fois encore, que la distinction entre fable et sujet s’avère
nécessaire pour poursuivre cette exploration la structuration
séquentielle du discours
narratif.
Tomachevski
est l’un des premiers auteurs modernes à établir une distinction claire
entre l’ordre des événements figurés dans le discours et l’ordre de
leur présentation dans l’œuvre, distinction qui rappelle néanmoins,
ainsi que l’a suggéré John Pier dans ce séminaire, la triade de la rhétorique
classique inventio, dispositio
et elocutio.
La terminologie en ce domaine varie entre les auteurs :
Bremond oppose le raconté au
racontant, Todorov l’histoire au discours, Genette l’histoire au récit,
ces différentes terminologie trahissant parfois des distinctions plus
profondes, avec parfois l’émergence de sous-distinctions débouchant
sur des modèles ternaires ou quaternaires. Sur la distinction entre
ces différents modèles, je vous renvoie à l’article très complet que
John a consacré à cette question (dans la nouvelle collection narratologia ?).
Toujours
est-il que Bremond, dans Logique du récit, souligne que toutes
les analyses structurales postulent au moins la « distinction
entre deux plans de structuration du récit, correspondant, dans la terminologie
de Greimas, l’un au niveau immanent des structures narratives, l’autre
au niveau apparent des structures linguistiques » (1973 :
102). Pour Bremond, la séquence en triade (déclencheur > passage
à l’acte > résultat) relève donc naturellement du niveau immanent
des structures narratives, et c’est aussi le cas du programme narratif
défini par Greimas comme le parcours conjonctif d’un Sujet en quête
d’un Objet, programme narratif
qui définit également une séquence du récit. On constate au passage
que l’un et l’autre définissent la séquence du point de vue unique du
devenir de l’action d’un agent et non de celui d’une tension dans la
lecture.
Quoi
qu’il en soit, face à la grande hétérogénéité des terminologies ultérieures,
il me semble pratique de conserver malgré tout cette distinction binaire
ainsi que les termes de fable (ou fabula) et de sujet
que propose Tomachevski, car c’est à peu de choses près ceux retenus
par Umberto Eco et nous verrons que cette distinction nous servira à
souligner les nuances entre l’intrigue configurée par le suspense
et l’intrigue configurée par la curiosité. La comparaison entre
Tomachevski et Eco nous permettra d’actualiser ces notions en fonction
des avancées de la sémiotique textuelle, mais elle fera également apparaître
chez Eco certaines divergences dans l’emploi des termes, divergences
qui nous semblent réduire la portée originelle des propositions de Tomachevski,
notamment au niveau du concept d’intrigue.
Donc,
pour Tomachevski, la fable représente « l’ensemble des événements liés entre
eux qui nous sont communiqués au cours de l’œuvre » ; elle
s’oppose au sujet « qui
est bien constitué par les mêmes événements, mais [qui] respecte leur
ordre d’apparition dans l’œuvre et la suite des informations qui nous
les désignent » (1965 : 268). Tomachevski ajoute en note ce
commentaire : « bref, la fable c’est ce qui s’est effectivement
passé ; le sujet c’est comment le lecteur en a pris connaissance ».
Eco, quant à lui, donne de la fabula la définition suivante :
Tout
le cours des événements décrits par le récit peut être résumé par une
série de macropropositions – le squelette de l’histoire, que nous appellerons
fabula – en établissant ainsi
un niveau successif du texte, dérivé de – et non identifiable à – la
manifestation linéaire. (1985 : 89)
Plus
loin il ajoute :
Après
avoir actualisé le niveau discursif, le lecteur est en mesure de synthétiser
des portions entières de discours à travers une série de macropropositions. (1985 : 130)
Dans
la perspective sémiotique de Eco, la fabula représente donc un interprétant dérivé du texte par le lecteur, il ne s’agit donc plus
d’une naïve distinction entre un fond
(événementiel) et une forme
(agencement de ces événements par le discours) qui poserait la question
de la dérivation dans le sens inverse et supposerait une relative autonomie
du premier vis-à-vis du second mais bien, du point de vue de la réception,
de la mise en évidence d’un lien sémiosique s’inscrivant dans une chaîne
potentiellement infinie d’interprétants dont l’origine se trouve dans
la « manifestation linéaire » du texte.
Si
nous restons dans la perspective de la sémiotique piercéenne, du point
de vue de la production du texte, le passage d’une fable imaginée par l’auteur (ou de la construction d’un monde
pour Eco ou de l’inventio pour
la rhétorique) à l’écriture proprement dite (qui nécessite un agencement
des faits plus ou moins libre) n’est pas d’avantage le passage d’un
fond à une forme. Il s’agit plutôt de la conversion d’un noyau textuel
– qui peut, à un certain niveau d’élaboration, correspondre à la manière
dont l’auteur se représente globalement la fable
dans son développement chronologique et causal – à un autre texte rendu
plus ou moins définitif par le processus éditorial. Le concept d’expansion
sémémique utilisé par Eco désigne
donc ce processus dynamique, potentiellement illimité, de la chaîne
des interprétants qui ne prend fin, du côté de la production du texte
littéraire, qu’au moment ou le texte est publié, cette chaîne reprenant
son cours, au moment de sa réception, dans la conscience des lecteurs,
qui ne cessent de poursuivre l’interprétation de l’œuvre dans des directions
plus ou moins déterminées par le texte.
Ce
qu’il s’agit de définir, ce sont les propriétés de cet interprétant particulier (la fable ou fabula)
qui représente, selon Eco : « le schéma fondamental de la
narration, la logique des actions et la syntaxe des personnages, le
cours des événements ordonnés temporellement » (1985 : 130).
Ce niveau successif du texte, que l’on peut rattacher à la capacité
cognitive des lecteurs de produire des résumés de narrations et de mémoriser
des récits, dépend essentiellement de compétences encyclopédiques que
l’on suppose très largement partagées. Eco, sur la base d’études menées
dans le cadre des recherches en psychologie cognitive, affirme que « les
tests empiriques sur les capacités moyennes de résumer un texte nous
disent que la construction des macropropositions se manifeste comme
statistiquement homogène » (1985 : 142). Le fait que la communication
littéraire, malgré les inévitables « conflits d’interprétation »,
soit néanmoins possible (Barthes dirait que le texte est au moins partiellement
lisible), le fait que
les œuvres, en dépit des inévitables imprécisions que cela entraîne,
soient globalement traduisibles d’une langue à une autre ou d’un système
sémiotique à un autre, que des liens entre diverses variantes d’une
même fable (Le
Petit Chaperon rouge dans ses versions
de Grimm et de Perrault par exemple) puissent occasionnellement être
perçus, nous indique que ce stade particulier du processus interprétatif
(en soi illimité) qui correspond grossièrement à la compréhension de
l’action figurée dans son déroulement chronologique et causal, n’est
généralement pas aussi relatif qu’il a pu paraître.
J’ai
donc redéfini à la suite d’Eco le concept de fable comme un interprétant dérivé du texte, dont les contours sont relativement
bien définis en fonction des compétences fondamentales partagées entre
auteurs et lecteurs sur la sémantique de l’action. A ce niveau, Tomachevski
introduit une notion qui définit, au niveau de la fable, une forme de configuration supplémentaire qui se superpose
au simple déroulement chronologique et causal des événements, ou motifs,
et qui permet d’en saisir l’unité : « le développement de
l’action, » précise-t-il, « l’ensemble des motifs qui le caractérisent
s’appelle une intrigue » (1965 : 273). La composition de l’intrigue
fait intervenir de nouveaux concepts tels que nœuds, péripéties et dénouement,
qui se superposent aux motifs pour définir les grandes lignes de leur
développement :
L’ensemble
des motifs qui violent l’immobilité de la situation initiale et qui
entament l’action s’appelle le nœud. Habituellement le nœud détermine
tout le déroulement de la fable et l’intrigue se réduit aux variations
des motifs principaux introduits par le nœud. Ces variations s’appellent
des péripéties (le passage d’une situation à une autre). (Tomachevski
1965 : 274)
On
pourrait dire en termes linguistiques qu’au niveau de la fable, les
motifs définissent un lexique et l’intrigue une syntaxe. D’emblée, l’intrigue
est associée également à la sémantique du conflit :
Le
développement de l’intrigue (ou dans le cas d’un groupement complexe
des personnages, le développement des intrigues parallèles) amène soit
la disparition du conflit, soit la création de nouveaux conflits. Habituellement
la fin de la fable est représentée par une situation où les conflits
sont supprimés et les intérêts sont réconciliés. (Tomachevski 1965 :
273)
Le
conflit est un type d’action
qui convient en effet particulièrement bien pour mettre en évidence
la manière dont on peut appréhender l’unité de la fable par le biais d’une sémantique de l’action : il possède la propriété de définir une situation interactive
instable, qui suscite l’attente chez le lecteur d’un résultat, dont
l’issue peut sembler incertaine,
mais dont le terme apparaît
inévitable.
La
situation de conflit suscite un mouvement dramatique parce qu’une coexistence
prolongée de deux principes opposés n’est pas possible et que l’un des
deux devra l’emporter. Au contraire, la situation de « réconciliation »
n’entraîne pas un nouveau mouvement, n’éveille pas l’attente du lecteur ;
c’est pourquoi une telle situation apparaît dans le final et elle s’appelle
dénouement. (Tomachevski 1965 : 273-274)
On
peut caractériser le développement de la fable comme le passage d’une
situation à une autre, chaque situation étant caractérisée par le conflit
des intérêts, par la lutte entre les personnages. Le développement dialectique
de la fable est analogue au développement du processus social et historique
qui présente chaque nouveau stade historique comme le résultat du conflit
des classes sociales au stade précédent et en même temps comme le champ
où se heurtent les intérêts des groupes sociaux constituant le régime
social du moment. (Tomachevski 1965 : 273)
Cette
appréhension de l’action narrative par la thématique du conflit n’est
pas propre seulement à l’approche marxiste de Tomachevski. On retrouve
cette tendance dans les analyses de Charles Grivel (1973) sur la production de
l’intérêt romanesque qui met en relation le conflit (ou la lutte) avec
la négativité du malheur. Pour Grivel en effet :
Il
n’y a de récit que de l’échec – du conflit – de la lutte, le malheur
est le dicible. (Grivel 1973 :
206)
Plus
loin il ajoute :
Que
le roman soit drame, constitution puis réduction de l’obstacle, que
cet obstacle soit représenté par un acte personnel de l’agent (négatif)
signifie que le roman donne nécessairement le conflit en spectacle (il y a conflit pour qu’il y ait malheur).
(Grivel 1973 : 211)
Pour
Grivel, la thématique du conflit ne se justifie pas par une fonctionnalité
romanesque qui consisterait à éclairer les conflits sociaux sous-jacents,
mais uniquement par la nécessité de produire un discours intéressant,
pour lui, le malheur est le « dicible ». Au contraire, sous
le couvert du « démenti » qu’illustre la lutte ou le conflit,
le roman (au moins dans le corpus étudié qui se situe entre 1870 et
1880) viendrait en fait confirmer l’état idéologique, c’est-à-dire « l’image
élaborée par la classe dominante et généralisée par elle pour dérober
l’état de fait ». Il considère donc qu’il « est faux
de déclarer que le roman reflète ou réfracte les rapports conflictuels
présents dans la société » (1973 : 226). Quelle que soit la
signification idéologique du conflit, nous retiendrons le fait que ce
dernier représente en tout cas une interaction qui possède la double
propriété de renforcer l’intérêt du discours narratif tout en définissant
les contours de l’intrigue par son instabilité éphémère.
Pour
ma part, je ne pense pas que la production de l’intérêt romanesque et
la configuration de l’intrigue dépendent uniquement de la narration
d’actions de type conflictuel. Pour Greimas, par exemple, le programme
narratif se résume plutôt sur la base d’une quête. Toute transgression d’une routine, par l’instabilité
qu’elle produit, peut servir d’embrayage à une narration, car nous sommes
poussés à nous interroger sur la manière dont l’équilibre sera rétabli.
Cela n’implique nullement que cette transgression soit nécessairement
malheureuse ou qu’elle débouche automatiquement sur un conflit :
cela peut être le fait de gagner à la loterie par exemple ou, dans un
conte, de se voir proposer la réalisation d’un vœu. Pour le courant
cognitiviste, la théorie du schéma insiste sur la fonction structurante
de l’action intentionnelle incertaine et planifiée, et non uniquement
sur la dynamique conflictuelle : un but difficile à atteindre peut
suffire à produire une attente chez le lecteur, qui est amené à se demander
si le but sera finalement atteint ou si l’agent échouera dans sa tentative.
Il
s’agit donc, somme toute, d’interpréter la notion de conflit comme un cas particulier illustrant un type d’actions
susceptibles de se développer en intrigue et de produire une certaine
tension à la lecture.
Pour Tomachevski, la « tension dramatique » est une notion
qui se rattache directement à la configuration de la fable par une intrigue, les conflits entre les personnages servant une nouvelle
fois à illustrer ce trait du récit :
Plus
les conflits qui caractérisent la situation sont complexes et plus les
intérêts des personnages opposés, plus la situation est tendue. La tension
dramatique s’accroît au fur et à mesure que le renversement de la situation
approche. Cette tension est obtenue habituellement par la préparation
de ce renversement. Ainsi dans le roman d’aventure stéréotypé les adversaires
qui veulent la mort du héros ont toujours le dessus. Mais à la dernière
minute, quant cette mort devient imminente, le héros est soudain libéré
et les machinations s’écroulent. La tension augmente grâce à la préparation.
[…] La tension arrive à son point culminant avant le dénouement. Ce
point culminant est habituellement désigné par le mot allemand Spannung. (Tomachevski 1965 : 274)
Une
fois encore, nous voyons que l’intrigue et la tension dramatique sont des concepts que Tomachevski situe sur un même
plan, celui de la fable,
elles configurent les relations entre les personnages dans leur évolution
chronologique et causale. La tension dramatique est illustrée ici par une incertitude concernant le
destin d’un héros combattant des adversaires, elle culmine quand sa
victoire paraît la plus improbable, juste avant le dénouement du conflit.
Dans la suite de son article, Tomachevski va cependant s’intéresser
également aux relations plus ou moins coopératives qu’entretiennent
l’auteur et son lecteur en examinant la manière dont se structure le
sujet.
En
mettant en évidence les diverses formes de distorsions pouvant intervenir
entre l’ordre des événements qui composent la fable et leur présentation par le sujet, Tomachevski suggère l’existence d’une deuxième forme
de structuration du récit qui tient compte de la « disposition
du matériau narratif » et oppose cette fois début et final,
ces différents moments
du texte ne recoupant
pas nécessairement la structuration de la fable en
nœud et dénouement :
Du
point de vue de la disposition du matériau narratif, le commencement
de la narration s’appelle début,
la fin final. Le début
peut ne contenir ni l’exposition ni le nœud. De la même manière, le
final peut ne pas coïncider avec le dénouement. (1965 : 275, note
1)
Tomachevski
relève à ce niveau d’analyse les débuts ex abrupto
qui retardent l’exposition de l’état initial et du nœud, différents
effets d’inversions temporelles (Vorgeschichte et Nachgeschichte), ainsi que la possibilité de voir un « ensemble
complexe de secrets » entraver la compréhension des actions représentées,
ces diverses « figures discursives » qui seront reprises plus
tard par Genette (1972 ; 1983) sous les termes de prolepses, d’analepses,
de paralipse, etc. Ce
développement de l’article de Tomachevski démontre l’intérêt du formaliste
pour les questions qui relèvent directement du roman en tant que discours,
et non uniquement de la forme de l’histoire narrée (la fable), comme ce fut le cas de Propp et d’une partie des
narratologues structuralistes après lui. Cette différence est fondamentale,
car elle évite de gommer un niveau supplémentaire de structuration du
récit.
A
travers les exemples de distorsion relevés par Tomachevski entre la
forme des événements narrés et celle de leur présentation discursive,
nous voyons progressivement s’esquisser une nouvelle forme de structuration
du récit qui met en avant le travail du lecteur pour recomposer l’enchaînement
chronologique et causal des événements relatés et le jeu complexe d’énigmes
et de secrets que le texte oppose à ses efforts :
Mais
parfois, après avoir décrit un événement que nous ne savons pas situer
dans le schéma général, l’auteur l’explique […] par une exposition,
c’est-à-dire un récit sur ce qui a été déjà raconté. Cette transposition
de l’exposition représente un cas particulier de déformation temporelle
dans le déroulement de la fable. […] Ce retard de l’exposition peut
se prolonger jusqu’à la fin de l’exposé : tout au long du récit
le lecteur est maintenu dans l’ignorance de certains détails, nécessaires
à la compréhension de l’action […] Cette circonstance ignorée nous est
communiquée dans le dénouement. Le dénouement qui inclut des éléments
de l’exposition et qui est comme l’éclairage en retour de toutes les
péripéties connues depuis l’exposé précédent, s’appelle dénouement régressif.
(Tomachevski 1965 : 275-276)
Tomachevski
précise donc que l’auteur peut décrire « un événement que nous
ne savons pas situer dans le schéma général » et que le lecteur
est « maintenu dans l’ignorance de certains détails, nécessaires
à la compréhension de l’action ». La « transposition »
ou le « retard » de l’exposition, en débouchant sur un
« dénouement régressif », semblent dès lors structurer le
récit selon une logique rétrospective qui n’est plus celle du développement
dramatique et incertain d’une action, mais d’une énigme suscitant la
curiosité du lecteur, et dont
la solution serait fournie par cette exposition retardée. Pour exprimer
le travail du texte visant à retarder l’exposition, Tomachevski fait
appelle à la notion de secret :
Ce
retard de l’exposition est habituellement introduit comme un ensemble
complexe de secrets. […] Ces secrets peuvent dominer la narration entière
ou n’embrasser que certains motifs. (Tomachevski 1965 : 276)
Si
les « ressources du secret » mettent l’accent sur les moyens
textuels mis à contribution pour « tenir en haleine » le lecteur,
il faut en revanche parler d’énigme, ou de curiosité, si l’on se place
du point de vue de la réception, de l’effet produit. Ce rôle fondamental
que joue l’énigme dans la production de l’intérêt romanesque a été commenté
par Charles Grivel :
Le
récit est énigme. Il se constitue comme dérangement de la communication
de l’information seconde : le démenti n’intéresse qu’énigmatisé.
Le lecteur assiste au brouillage
du drame, il est placé devant un événement, un comportement, etc. dont
le sens lui échappe et dont les conséquences lui demeurent cachées.
[…] Le démenti suppose l’énigme, n’est opérant qu’en tant qu’énigme.
L’innovation, en effet, n’est intéressante que dans la mesure ou elle
est rendue « mystérieuse » : une information non probable
n’est en soi ni intéressante, ni étonnante. […] Autrement dit, la rupture
de l’ordre archétypal n’est efficace (c’est-à-dire produit le désir
de lire et retient le lecteur à sa lecture) qu’à partir du moment où
elle ouvre obscurément sur cet ordre même. (Grivel 1973 : 261-262)
Nous
ajouterons pour notre part le fait que l’énigme, en suscitant un questionnement
chez le lecteur, contient également la promesse d’une réponse, du moins
quand le contrat de lecture du récit en question présuppose une fabula
« fermée » (Eco 1985 : 153-155) dans laquelle le lecteur
est en droit de supposer que ses hypothèses pourront être textuellement
vérifiées ou infirmées. En d’autres termes, l’énigme constitue la borne
initiale d’une « séquence » du texte assimilable au « nœud »
de la fable, la séquence à laquelle elle donne lieu exprimant non
plus la totalité et l’unité d’une action, mais celles d’un discours.
Pour souligner cette fonction structurante de l’« énigme »
et du « dénouement régressif » et pour la mettre en parallèle
avec la configuration de la fable,
je prendrai la liberté de parler de mise en intrigue du sujet. L’usage du concept d’intrigue appliqué au sujet n’est peut-être pas aussi aventureux qu’il n’y paraît :
en effet, Eco va jusqu’à substituer le terme d’intrigue à celui de sujet pour illustrer les deux niveaux de structuration du
récit mis en évidence par Tomachevski. Dans les Six promenades
dans les bois du roman et d’ailleurs,
Eco s’exprime clairement sur ce point :
il
est bon de rappeler un thème fondamental de toutes les théories modernes
de la narrativité, ce que les Formalistes russes appelaient la différence
entre fabula et sjuzšet et que nous traduirons par fabula et intrigue
(1996 : 39).
Il
nous semble malgré tout que Eco perd dans cette traduction le sens original
que Tomachevski réservait au terme intrigue. Il est beaucoup plus productif de conserver les termes
originaux de fable et
de sujet, et de réserver à celui d’intrigue, le sens d’une configuration permettant de structurer aussi bien les événements
relatés que leur présentation qui peut être provisoirement énigmatisée.
Lorsque Eco assimile l’intrigue
au sujet, il réduit le rôle de la « mise en intrigue »
à la substitution d’une ordre linéaire (celui de l’histoire racontée)
par un autre (celui du récit racontant). Il s’agit au contraire de souligner
cette opération de médiation assurée par la mise en intrigue,
qui ajoute à la linéarité du texte ou à celle des événements
racontés par le texte certaines propriétés telles que la plupart des
lecteurs sont capables d’évaluer la complétude d’un récit à un moment
quelconque de son déroulement.
Précisons
encore que, pour Eco, l’ordre de présentation des événements, qu’il
désigne par l’intrigue et qui
correspondrait au sujet
dans la terminologie de Tomachevski n’est pas exactement identifiable
à l’expression discursive, qui relève selon lui d’un troisième niveau :
Fabula
et intrigue ne sont pas une question de langage. Ce sont des structures
presque toujours traduisibles en un autre système sémiotique, et je
peux d’ailleurs raconter la même fabula que l’Odyssée, organisée selon la même intrigue, au moyen d’une paraphrase
linguistique, […] ou bien par un film ou une B.D., car même ces deux
systèmes sémiotiques comportent des signaux d’analepse. […] Dans un
texte narratif, l’intrigue peut manquer, mais jamais la fabula et le
discours : la fabula du Petit Chaperon Rouge est parvenue jusqu’à
nous par des discours divers, celui de Grimm, de Perrault, ou de notre
mère. (Eco 1996 : 42)
Pour
ma part, je ne vois pas l’intérêt qu’il peut y avoir à distinguer entre
sujet et discours, puisque l’ordre linéaire du sujet est, par définition, celui du texte. Dans l’exemple
cité par Eco, on dirait simplement que les différents discours envisagés
(poème épique, bande dessinée, film, paraphrase, versions d’un conte)
présentent des événements fictifs apparentés dans un ordre semblable.
Conserver
l’identité entre sujet et expression discursive de la situation narrative, c’est permettre d’intégrer
à ce niveau d’analyse – comme le fait d’ailleurs Tomachevski – le retardement
de l’exposition et de dénouement régressif, c’est-à-dire la question
la clarté provisoirement réduite du discours narratif, et pas seulement
les effets de prolepse
et d’analepse. Il me semble d’ailleurs, que la fonction pragmatique
fondamentale des prolepses et des analepses consiste précisément à produire
chez le lecteur de la curiosité, un brouillage relatif ou un éclaircissement
retardé de la fable, fonctions
qui s’intègrent à une stratégie globale de mise en intrigue du discours
par l’énigme. Dans son analyse de Sylvie, que l’on trouve dans les Six promenades
dans les bois du roman et d’ailleurs,
Eco souligne d’ailleurs « l’effet
de brume » qui résulte de l’enchevêtrement complexe des prolepses
et des analepses qui caractérise le roman de Nerval (1996 : 38).
En l’occurrence, la spécificité de ce discours romanesque, c’est de
laisser le soin au spécialiste de recomposer une fabula
cohérente, et de ne pas chercher à dissiper au terme de l’œuvre (par
un dénouement régressif) ce brouillard qui vise un effet plus troublant
que structurant.
On
peut essayer de résumer synthétiquement les nombreuses propositions
de Tomachevski que je viens d’évoquer concernant la forme de la fable, du sujet
et de l’intrigue. C’est
ce que j’ai essayé de faire dans le tableau que vous trouvez dans le
polycopié que je vous ai distribué et que je vais rapidement commenter :
Mise
en intrigue de la fable :
(par configuration des événements selon la logique du « conflit ») |
Situation
initiale |
Nœud |
Péripéties |
Dénouement |
Situation
finale |
Tension
dramatique |
Crée
l’attente du terme d’une (inter)action « instable ». |
La
tension augmente à mesure que diminue la probabilité que l’issue
souhaitée soit atteinte. |
Réduction
de la tension : situation de « réconciliation ». |
Présentation
de la fable
sans « mise en intrigue du sujet » |
Début |
Exposition
directe |
Final |
Les
événements sont présentés selon leur déroulement chronologique,
avec clarté et complétude en fonction des connaissances du lecteur. |
Mise
en intrigue du sujet :
(par
distorsion de l’ordre d’exposition des événements ou diminution
de leur clarté) |
Début |
Exposition
énigmatique ou retardée (question) |
Retardement
de l’exposition
(secrets) |
Dénouement
régressif
(réponse) |
Final |
Tension
interprétative |
Le
lecteur est maintenu dans l’ignorance de certains détails nécessaires
à sa compréhension de l’action qui se déroule ou s’est déroulée,
ce qui suscite sa curiosité. |
Le
texte fournit un éclairage en retour sur les événements ignorés
ou énigmatiques. |
|
|
|
|
|
|
|
|
Ce
tableau est approximatif, car il souffre de la méthode d’exposition
de Tomachevski, qui introduit dans un court article un nombre considérable
de concepts sans toujours clarifier leurs appellations et désigner avec
précision leur situation par rapport à l’ensemble des notions présentées.
Pour le compléter, je n’ai pas seulement ajouté de concept de « mise
en intrigue du sujet »,
mais j’ai également pris la liberté d’introduire la notion de « tension
interprétative » pour souligner ce cas particulier dans lequel
une certaine configuration du sujet
provoque une incertitude dans la lecture : l’attente d’une explication
concernant des événements présentés incomplètement ou de manière énigmatique.
Cette incertitude produit un effet « tensif » similaire, mais
non identique à celui qui dérive d’une situation « dramatique »
(de conflit par exemple) qui repose sur l’attente plus ou moins angoissée
de l’issue d’un événement. Dans l’un et l’autre cas, il s’agit bien
d’une tension fondée sur une anticipation du texte teintée d’incertitude,
mais la « tension dramatique » ne relève pas uniquement d’une
stratégie discursive portant sur la livraison de l’information :
elle est en quelque sorte d’abord inhérente aux événements racontés
en tant que situations (inter)actives incertaines dont la tension est
pré-codée à des degrés divers dans l’encyclopédie du lecteur. Dans ce
dernier cas, ce qui relève à proprement parler d’un effet du discours
narratif consiste en la diminution intentionnelle de la coopération
entre narrateur et lecteur, qui ne vise plus une efficacité maximale
dans l’échange d’information, ce qui se manifeste au niveau des structures
textuelles, ainsi que je l’ai déjà dit, par l’absence d’un résumé synthétique
de l’action au début du texte, qui neutraliserait par avance la tension
inhérente au développement progressif du récit.
L’une
et l’autre de ces « mises en intrigue » relèvent donc de stratégies
narratives différentes reposant soit sur la sélection d’événements instables
(éventuellement de type conflictuels) mis en scène de manière claire,
mais progressive, soit sur un obscurcissement volontaire de la représentation
produisant un effet de curiosité. Il convient de remarquer que les situations
narratives dans lesquels le sujet
épouse fidèlement l’ordre de la fable
sont relativement fréquents : Tomachevski signale ainsi que « dans
le cas le plus simple, […] nous avons affaire à une exposition directe »
(1965 : 275). Eco mentionne lui aussi « des récits appelés
formes simples, tels que les fables, où l’on a seulement la fabula.
Le Petit Chaperon Rouge
est de ceux-là : il commence avec la fillette qui sort de la maison
pour s’aventurer dans le bois. Et finit avec la mort du loup et le retour
de la fillette chez elle » (1996 : 41). Le fait que, dans
l’univers des contes merveilleux, le « retardement de l’exposition »
représente un cas relativement rare explique probablement la raison
pour laquelle Propp ne s’est intéressé qu’à la séquentialité de la fable
et non à celle du sujet.
Si, au contraire, il avait travaillé sur un corpus d’histoire drôles,
de devinettes ou de romans policiers, il aurait probablement été conduit
à rechercher sa définition de la séquence narrative du côté des jeux
sur la livraison de l’information.
On
peut supposer que la place prépondérante donnée par les analyses narratologiques
à la définition proppienne de la séquence narrative a eu pour conséquence
de laisser dans l’ombre cette autre forme de structuration du récit
esquissée par Tomachevski qui implique une mise en intrigue du sujet. Cette séquentialité me semble pourtant d’une importance
capitale dans l’économie du discours narratif, surtout quand la fable est moins « dramatique », quand le récit
s’éloigne du « roman d’aventure stéréotypé » dominé par la
sémantique du « conflit » entre bons et méchants. Il me semble
possible de poser l’hypothèse que, dans les cas où les événements racontés
sont peu « dramatiques », la mise en intrigue du sujet
peut occasionnellement prendre le relais pour soutenir
l’intérêt du discours narratif et pour le structurer.
Bibliographie
Adam,
J.-M. (1997), Les Textes: types et prototypes, Paris, Nathan.
Adam,
J.-M., & F. Revaz (1996), L'Analyse des récits, Paris,
Seuil.
Baroni,
R. (2002a), “Le Rôle des scripts dans le récit”, Poétique, n°
129, p. 105-126.
Baroni,
R. (2002b), “Incomplétudes stratégiques du discours littéraire et tension
dramatique”, Littérature, n° 127, p. 105-127.
Baroni,
R. (2003a), “Genres littéraires et orientation de la lecture”, Poétique,
n° 134, p. 141-157.
Baroni,
R. (2003b), “Comment bluffer un lecteur de fiction...”, Carnets de
Bord, n° 5, p. 30-36.
Baroni,
R. (2004a), “La valeur du suspense”, A Contrario, n° 3.
Baroni,
R. (2004b), “Surprise et compétences intertextuelles des lecteurs”,
www.vox-poetica.org.
Barthes,
R. (1970), S/Z, Paris, Seuil.
Bourneuf,
R. & R. Ouellet (1972), L'Univers du roman, Paris,
PUF.
Brewer,
W., and E. Lichtenstein (1982), “Stories Are to Entertain: A Structural-Affect
Theory of Stories”, Journal of Pragmatics, n° 6, p. 473-486.
Eco,
U. (1985), Lector in Fabula, Paris, Grasset.
Eco,
U. (1996), Six Promenades dans les bois du roman et d'ailleurs,
Paris, Grasset.
Gervais,
B. (1989), “Lecture de récits et compréhension de l'action”, Recherches
sémiotiques / Semiotic Inquiry, n° 9, p. 151-167.
Gervais,
B. (1990), Récits et actions: pour une théorie de la lecture,
Longueuil, Le Préambule.
Greimas,
A. J. (1966), La Sémantique structurale. Recherche de méthode,
Paris, Larousse.
Grice,
P. (1979), “Logique et conversation”, Communications, n° 30,
p. 57-72.
Grivel,
C. (1973), Production de l'intérêt romanesque, Paris, The
Hague, Mouton.
Jose,
P. E., and W. F. Brewer (1984), “Development of Story Liking: Character
Identification, Suspense, and Outcome Resolution”, Developmental
Psychology, n° 20, p. 911-924.
Larivaille,
P. (1974), “L'analyse (morpho)logique du récit”, Poétique, n°
p. 368-388.
Petitat,
A. (1998), Secret et formes sociales, Paris, P.U.F.
Petitat,
A., & R. Baroni (2000), “Dynamique du récit et théorie de l'action”,
Poétique, n° p. 353-379.
Propp,
V. (1970), Morphologie du conte, Paris, Seuil.
Revaz,
F. (1997), Les Textes d'action, Paris, Librairie Klinksieck.
Ricœur,
P. (1983), Temps et récit I, Paris, Seuil.
Todorov,
T. (1971), “Typologie du roman policier”, in Poétique de la prose,
(éd.), Paris, Seuil, p. 55-65.
Tomachevski, B. (1965), “Thématique”,
in Théorie de la littérature, T. Todorov (éd.), Paris, Seuil,
p. 263-307.
Schank, R., and R. Abelson
(1977), Scripts, Plans, Goals and Understanding: an Inquiry into
Human Knowledge Structure, Hillsdale (N.J.), Lawrence Erlbaum
Associates.
Van Dijk, T. (1976), “Philosophy
of action and theory of narrative”, Poetics, n° 5, p. 287-338.
Wulff, H. J. (1996), “Suspense and the Influence of Cataphora on Viewers'Expectations”,
in Suspense. Conceptualizations, Theoretical Analyses, and Empirical
Explorations, P. Vorderer, H. Wulff, and M. Friedrichsen (éd.),
Mahwah, Lawrence Erlbaum Associates, p. 1-17.