Lecture
                    de récits et compréhension de l’action
              par
                    Bertrand Gervais
              Département
                    d’études littéraires
      UQAM
              Cet
                  article porte sur la représentation discursive de l’action,
                  dans la perspective de sa compréhension et des savoirs qu’elle
                  requiert. La question qui est posée n’est pas « que sait
                  un texte? » (Pierssens 1988 : 8) ; mais bien « que
                  demande de savoir un texte ? » Cette question du
                  savoir requis par le texte s’inscrit dans une théorie de la
                  lecture des récits, c’est-à-dire une description des mécanismes,
                  règles et contraintes qui permettent la progression à travers
                  un texte. Il ne s’agit donc pas d’une théorie de la lecture
                  comme acte d’interprétation ou d’une théorie de la réception,
                  centrée sur la façon dont des œuvres sont perçues et comprises
                  par un lecteur ou une communauté interprétative donnée (Iser
                  1978), ou encore d’une théorie de la lecture comme activité déjà terminée, à la
                  manière dont la psychologie cognitive étudie le rappel des
                  récits (Stein et Glenn 1979; Mandler et Johnson 1977; Kintsch
                  et van Dijk 1975); il s’agit plutôt d’une théorie de la lecture
                  comme processus en voie de réalisation, une interaction dotée
                  de règles et qui peut être décrite en tant que tel (Gervais
                  1990a; Pagé 1985; Denhière 1984). 
              L’analyse
                  de cet acte de lecture prend l’allure d’une  théorie de
                  la compréhension de l’action. La raison en est simple: lire
                  un récit, selon notre hypothèse, c’est comprendre minimalement
                  les actions qui y sont représentées. Le récit est ainsi
                  défini comme le lieu de la représentation discursive de l’action
                  et, selon ce point de vue, une théorie de la lecture doit passer
                  par une définition de cette représentation. Une telle définition
                  diffère un peu de celles qui ont cours habituellement dans
                  les théories linguistiques et psycho-linguistiques de la lecture.
                  Comme le signale Liliane Sprenger-Charolles, dans la plupart
                  des travaux, « la lecture est envisagée comme un processus
                  actif de construction de signification par un lecteur à partir
                  d’un texte. » (1988 : 3) Cette définition recouvre
                  bien celle que proposent presque tous les modèles théoriques
                  récents de la compréhension des textes, à savoir « un
                  processus  complexe de traitement de l’information présentée
                  dans un texte » (Deschênes 1988 : 15). Cette dimension
                  de la compréhension des textes, malgré sa complexité, n’est
                  qu’un aspect de l’acte de lecture. Dans une perspective plus
                  sémiotique, G. Thérien a cherché à décrire cette complexité de
                  l’acte de lecture en le décrivant comme un ensemble de cinq
                  processus inter-reliés et formant réseaux. Ce sont les processus
                  neurophysiologique, cognitif, affectif, argumentatif et symbolique
                  (Thérien 1990). Le processus cognitif de la lecture ne correspond
                  donc qu’à une fraction de l’acte complet, importante peut-être,
                  mais qui ne doit pas faire oublier l’apport des autres. 
              Notre
                  objectif ici n’est pas de couvrir l’empan de toutes ces dimensions
                  de la lecture mais de jeter les bases d’une analyse du processus
                  cognitif de la lecture de récits, dont les mécanismes sont
                  déjà acquis et ce, dans la perspective très étroite d’une description
                  de la compréhension de l’action représentée discursivement.
                  Pour illustrer ce rapport entre lecture de récit et compréhension
                  de l’action, prenons l’incipit d’un roman français, paru en
                  1957 et qui a fait date en littérature: 
              Vous
                  avez mis le pied gauche sur la rainure de cuivre, et de votre épaule
                  droite vous essayez en vain de pousser un peu plus le panneau
                  coulissant.  
              Vous
                  vous introduisez par l’étroite ouverture en vous frottant contre
                  ses bords, puis, votre valise couverte de granuleux cuir sombre
                  couleur d’épaisse bouteille, votre valise assez petite d’homme
                  habitué aux longs voyages, vous l’arrachez par sa poignée collante,
                  avec vos doigts qui se sont échauffés, si peu lourde qu’elle
                  soit, de l’avoir porté jusqu’ici, vous la soulevez et vous
                  sentez vos muscles et vos tendons se dessiner non seulement
                  dans vos phalanges, dans votre paume, votre poignet et votre
                  bras, mais dans votre épaule aussi […].
              Si
                  vous êtes entré dans ce compartiment, c’est que le couloir
                  face à la marche à votre gauche est libre […].
              Quelle
                  est cette action que ce « personnage-au-vous » exécute?
                  Qu’est ce qui comprend dans son mode d’accomplissement les
                  opérations "mettre un pied sur une rainure", « pousser
                  un panneau coulissant », « s’introduire par l’ouverture », « soulever
                  et porter une valise », ainsi que « entrer dans un
                  compartiment »? Qui a reconnu l’incipit de La modification de
                  Michel Butor sait de quelle action il s’agit. Nul besoin pourtant
                  d’un savoir littéraire pour reconnaître l’action de prendre
                  le train.  Ce qu’il faut plutôt, c’est une compréhension
                  du déroulement de cette action et des opérations qui participent à son
                  mode d’accomplissement. Lire un récit, en fait, c’est comprendre
                  les actions qui sont représentées de façon à les intégrer dans
                  la suite de l’histoire. 
              Une
                  telle définition de l’acte de lecture ne participe pas d’une
                  analyse du narratif mais plutôt de ce qu’il faut nommer l’endo-narratif.  Lire
                  un récit est une activité double, elle demande au lecteur,
                  d’une part, d’identifier les actions représentées et, d’autre
                  part, de les intégrer à une narration. Or, l’endo-narratif,
                  défini comme en-deçà narratif, est cette frange théorique étroite
                  qui permet de rendre compte des processus d’identification
                  des actions représentées, avant leur intégration à une narration.
                  Ainsi, avant de comprendre que le combat gagné par un héros
                  est une épreuve décisive (Greimas 1970), il faut que le lecteur
                  comprenne d’abord qu’il s’agit bien d’un combat, que les actions
                  qui sont représentées et qu’il a identifiées sont bien celles
                  d’un corps à corps. Comprendre la place du combat dans le récit
                  est de l’ordre narratif, tandis qu’identifier le combat en
                  tant que tel est de l’ordre de l’endo-narratif. 
              L’analyse
                  de cet endo-narratif va se faire à partir d’un acte de lecture
                  régi par une économie de la progression. Le mandat d’une telle
                  lecture, décrite comme lecture initiale du texte, n’est pas
                  d’abord de comprendre mais de progresser à travers le récit.
                  Il va sans dire que cette progression implique une certaine
                  compréhension. Mais celle-ci est avant tout fonctionnelle,
                  elle doit permettre à la lecture de se continuer: Elle ne se
                  fait pas au détriment de la progression, elle en assure plutôt
                  le maintien.
                  Nous y reviendrons dans la dernière partie. 
              La
                    représentation de l’action
              Le
                  langage a cette caractéristique particulière de pouvoir décrire
                  l’action d’une personne aussi succinctement ou largement que
                  désiré. Jœl Feinberg (1965) a désigné par le terme fort approprié « d’effet
                  accordéon » cette propriété langagière; comme l’instrument,
                  une action peut être réduite à une amplitude minimale ou étirée à son
                  amplitude maximale. On peut penser à l’action complexe « prendre
                  un train ». La représentation d’une telle action peut
                  se faire à l’aide de la phrase « Léon Delmont prend le
                  train pour Rome », comme elle peut occuper l’ensemble
                  d’un roman : La modification.  Une même action
                  est présentée dans l’un et l’autre cas, mais l’état de représentation
                  varie, allant du resserrement minimal. pour la phrase. au déploiement
                  maximal. pour le roman.  
              L’existence
                  d’un effet accordéon oblige à prendre en considération l’état
                  de représentation de l’action en jeu dans le discours. Une action
                  générique est une action dont la représentation de son
                  mode d’accomplissement est réduite à l’exposé du but recherché.
                  Des phrases telles que « Léon Delmont commande une bière
                  au bar » et « Léon Delmont prend le train pour Rome »,
                  présentent des actions génériques, c’est-à-dire qu’elles sont
                  des représentations génériques d’actions. Le mode d’accomplissement
                  de ces deux actions demande un ensemble complexe de sous-actions
                  ou d’opérations. Commander une bière au bar implique les sous-actions :  s’approcher
                  du bar, s’asseoir, attirer l’attention du barman, commander,
                  attendre, payer; tandis que prendre le train nécessite les
                  sous-actions : se rendre à la gare, acheter un billet,
                  attendre sur l’embarcadère, monter dans le train, s’asseoir
                  et ainsi de suite jusqu’à l’arrivée. Dans les deux phrases
                  citées, ce mode d’accomplissement est implicite, il est réduit à sa
                  plus simple expression, soit à l’assertion du but principal
                  recherché, recevoir un breuvage alcoolisé ou se rendre en train à Rome.
                  Une action générique est donc une action dont les moyens mis
                  en œuvre pour la réaliser ne sont pas représentés mais résumés,
                  condensés dans la désignation du but recherché et  qui
                  doivent être inférés dans une sorte de causalité rétroactive à partir
                  du but. 
              Le
                  concept d’action générique est un concept relatif. Cela
                  est dû au fait qu’il ne s’agit pas d’une unité minimale mais
                  de l’état particulier de la représentation d’une action. Toute
                  action dont le mode d’accomplissement peut être présenté à l’aide
                  d’opérations instrumentales peut recevoir une représentation
                  générique. Pour revenir une dernière fois sur la métaphore
                  de l’accordéon, si le mode d’accomplissement d’une action peut être
                  développé à son amplitude maximale, la représentation générique
                  correspond quant à elle à l’accordéon au repos, son soufflet
                  comprimé et réduit à son plus petit volume. 
              Le
                  récit est évidemment un contexte où des actions peuvent être
                  représentées de façon générique. Dans un récit, en effet, les
                  actions ne sont pas toutes détaillées de la même façon. Les états
                  de représentation varient, allant de la scène au sommaire,
                  selon que le mode d’accomplissement des actions est représenté dans
                  un certain détail ou réduit à sa plus simple expression, à la
                  désignation du but recherché (Gervais 1990b), c’est-à-dire
                  une représentation générique.  Mais, quel que soit l’état
                  de cette représentation, narcotisée (Eco 1985) ou développée,
                  une action n’apparaît jamais seule dans un récit; elle est
                  toujours liée à d’autres éléments, intégrée à un ensemble qui
                  lui donne fonction et signification. La situation narrative est
                  cet ensemble et elle est définie comme la condition de base
                  de la représentation discursive de l’action. Une situation
                  narrative est une entité discursive, qui met en jeu un cadre
                  et une intention.  Le cadre est constitué des déterminations
                  spatio-temporelles qui servent de base à son développement.  L’intention
                  lui fournit ses éléments fondamentaux, l’agent et l’opération
                  qu’il tente de réaliser  prendre le train pour rejoindre Cécile à Rome,
                  par exemple. Ces quatre éléments, temps et lieu, agent et opération,
                  sont définis comme les données nécessaires à la représentation
                  discursive d’une action. 
              Il
                  est à noter qu’une telle définition de la situation narrative
                  se distingue de ce qui est en usage en sémiotique narrative ;
                  la différence repose sur l’utilisation de l’opposition entre
                  ce qui est dynamique et statique. Depuis les travaux de Vladimir
                  Propp (1965 [1928]) les définitions sémiotiques du récit ont
                  utilisé le concept de situation pour désigner les limites de
                  la narration. Un récit est ainsi
                  défini comme le passage d’une situation initiale à une situation
                  finale. D’un modèle à l’autre, le lexique peut se modifier  le
                  terme de situation être remplacé par celui d’état ou d’équilibre  et
                  le passage se spécifier en un procès, processus ou faire transformateur,
                  mais toujours cette même fonction d’encadrement de l’action
                  est respectée. Dans la sémiotique narrative et discursive de
                  Greimas, par exemple, le récit simple est défini comme le passage
                  d’un état antérieur à un état ultérieur, opéré à l’aide d’un
                  faire. Gerald Prince (1973) et Tzvetan Todorov (1968) ont proposé des
                  définitions similaires du récit minimal ou élémentaire.  Or,
                  dans ces définitions, comme le signale Jean-Michel Adam: « les
                  prédicats des situations initiale et finale diffèrent de ceux
                  de la transformation  (lieu des épreuves du héros
                  qui assure la médiation) comme le statique  (énoncé d’état)
                  s’oppose au dynamique  (énoncé de faire) » (1985 :
                  54).
              On
                  s’accorde donc, dans les théories du récit, pour présenter
                  la séquence narrative simple comme la jonction de deux types
                  d’éléments, les uns statiques, qui délimitent cet espace que
                  doit occuper le récit et les autres, dynamiques, qui forment
                  le centre ou le cœur du récit. Les termes « statique » et « dynamique » reviennent
                  avec une régularité surprenante, au point de former l’opposition
                  fondamentale permettant de penser le récit. Notions complémentaires,
                  puisque le récit ne peut exister que par leur relation, elles
                  jouent des rôles distincts, isolés les uns des autres. 
               Si
                  on ne peut échapper à cette dichotomie, il y a lieu de se demander
                  si une distribution aussi franche de ces rôles n’est pas une
                  réduction dangereuse. Qu’y a-t-il de statique dans un manque?
                  Dans l’attente? L’assommoir de Zola s’ouvre sur « Gervaise
                  avait attendu Lanthier jusqu’à deux heures du matin. Puis,
                  toute frissonnante d’être restée en camisole à l’air vif de
                  la fenêtre, elle s’était assoupie, jetée en travers du lit,
                  fièvreuse, les joues trempées de larmes. » (1980 :
                  3) Dans la perspective de certaines théories du récit  la
                  sémiotique narrative et discursive de Greimas, par exemple ,
                  il s’agit là de la manifestation d’un état, d’une situation
                  initiale statique. C’est l’attente : la disjonction d’un
                  sujet d’état (Gervaise) d’un objet de valeur (Lanthier). Pourtant,
                  comment fait-on pour départager ce qui est statique de ce qui
                  ne l’est pas dans cette situation? Décider que cela est un état,
                  c’est dire que la seule action qui existe et qui compte dans
                  cet univers narratif, la seule action qui peut être représentée,
                  c’est l’arrivée de Lanthier. Mais alors qu’est-ce que « se
                  jeter en travers du lit »? Il semble bien que ce soit
                  une action et même une action qui fasse partie de l’attente,
                  au même titre que manger et payer la note font partie de l’action « aller
                  au restaurant ». L’attente a une certaine durée, elle
                  se poursuit, change de forme, le cadre du lit remplaçant celui
                  de la fenêtre. Si l’attente est définie comme un état, il faut
                  alors expliquer comment des états peuvent être composés d’opérations. 
              Dans
                  les structures profondes ou les superstructures, il est possible
                  de distinguer facilement les états des actions, de voir des
                  situations initiale et finale d’un côté et des transformations
                  de l’autre.
                  Mais une telle conceptualisation ne permet pas de décrire adéquatement
                  la représentation discursive d’une action. Dans des récits,
                  dans des représentations discursives, les actions ne sont pas
                  séparées des situations, comme le dynamique se sépare du statique.
                  Elles forment un ensemble et l’une ne se distingue de l’autre
                  qu’en fonction des perspectives de description. L’action n’existe
                  pas en dehors d’une situation narrative  elle en fait partie ,
                  de la même façon qu’une situation ne peut être définie qu’en
                  fonction des actions auxquelles elle donne lieu. L’attente
                  de Gervaise est donc à la fois une situation narrative et une
                  action. Elle est une situation dotée d’un cadre, c’est la chambre à deux
                  heures du matin, d’un agent, Gervaise, et d’une action, celle
                  que l’on résume par le terme d’attente. C’est la même chose
                  pour La modification. La situation narrative inaugurante
                  comprend : un cadre, c’est le train en gare de Paris,
                  immobile, et ensuite le compartiment du wagon à une heure à peine
                  matinale ; un agent, anonyme d’abord, un « vous » qui
                  se révélera être Léon Delmont ; et une action, elle aussi
                  incertaine, mais qui se présente d’abord comme un embarquement,
                  comme « prendre le train ». 
              Contrairement
                  aux théories traditionnelles du récit, la situation est ici
                  irréductible à la notion d’état et elle se précise plutôt comme
                  une entité narrative dont la composante essentielle est l’action.
                  Il n’y a plus de statique ou de dynamique: la situation recouvre
                  l’action et elles sont dans une relation de subordination plutôt
                  que de complémentarité. L’action est l’élément dynamique de
                  la situation narrative; son intégration à la situation a pour
                  effet de libérer cette dernière de son rôle étroit de limite
                  ou de borne du récit. Pour nous, le récit n’est plus conçu
                  comme un couple de situations opposées, réunies par un faire,
                  mais comme un ensemble de situations se succédant au rythme
                  des actions accomplies. Il y a entre les situations initiales
                  et finales, des situations intermédiaires qui se succèdent
                  et qui font évoluer le récit. Lire un récit,  dans cette
                  perspective, correspond à la progression, au passage d’une
                  situation narrative à une autre. 
              La
                    compréhension de l’action
              L’action
                  générique décrit l’état le plus condensé d’une représentation
                  d’action. Le rapport entre l’action générique et les opérations
                  qui participent à son mode d’accomplissement est donc une inférence
                  maximale. Comprendre une action générique implique donc de
                  connaître son mode d’accomplissement ainsi que le principe à la
                  base de son déroulement.  Il existe deux grands types
                  de déroulements d’actions, déroulements qui se distinguent
                  l’un de l’autre par le savoir qu’ils requièrent pour leur compréhension.  Ce
                  sont les scripts et les plans.  Les concepts
                  de script et de plan sont issus des recherches en intelligence
                  artificielle (Schank et Abelson 1977).  Nous allons maintenant
                  présenter ces deux types de déroulement d’actions en cherchant à identifier
                  la façon dont ils s’articulent l’un à l’autre ainsi que leurs
                  exigences respectives, en termes de  représentation. 
              Le
                  script, premier type de déroulement identifié, requiert un
                  savoir  spécifique sur la façon dont une action est accomplie.
                  Le script est un déroulement d’actions prévisible puisque fixe
                  et connu. Des actions comme « prendre le train » ou « aller
                  au restaurant » sont des scripts, c’est-à-dire des actions
                  dont le mode d’accomplissement n’a pas besoin d’être explicité pour
                  que leurs buts et leurs procédures de réalisation soient saisis.
                  Le plan, deuxième type de déroulement identifié, consiste par
                  contre en un déroulement inédit d’actions qu’il faut expliciter
                  en détail. Le plan requiert de ses utilisateurs un savoir général
                  sur la façon dont des buts peuvent être atteints.  
              La
                  différence entre script et plan est celle entre deux actions
                  complexes comme « prendre l’avion » et « détourner
                  un avion ».  Ces deux actions n’appellent pas le
                  même genre de question et n’ont pas les mêmes exigences au
                  niveau de leur compréhension.  La question « comment
                  a-t-il fait? » s’applique difficilement à la première
                  action, qui est un script.  Sauf exception, on sait ce
                  qu’implique prendre un avion et quelles en sont les différentes étapes:
                  l’achat du billet, l’arrivée à l’aéroport, le passage à la
                  douane, l’embarquement, etc. Parce que son déroulement est
                  censé être déjà connu, le mode d’accomplissement du script
                  n’a pas besoin d’être représenté au complet; il suffit d’indiquer
                  les buts visés par l’action, donner la destination du voyage
                  par exemple, et affirmer que l’action a été entreprise pour
                  avoir une représentation réussie. 
              Mais
                  la question « comment a-t-il fait? » est tout à fait
                  valide pour la deuxième action, le détournement, qui n’est
                  pas un script. Il n’y a pas une façon réglée, connue et par
                  conséquent prévisible de détourner une avion (si tel était
                  le cas, la sécurité dans les aéroports serait grandement facilitée).
                  Une telle action tient du plan, d’un déroulement inédit d’actions
                  qu’il faut expliciter pour le faire connaître, le rendre accessible.
                  Représenter une telle action ne se limite pas en effet à identifier
                  l’agent et la destination choisie. Il faut encore indiquer
                  quel est le but visé par cette action (libérer des prisonniers
                  politiques, par exemple), quels sont les mobiles ou les motifs
                  des pirates de l’air, comment ils ont fait pour détourner l’avion,
                  et les résultats de l’opération. Puisque son déroulement n’est
                  pas connu, un tel plan demande d’être présenté, à l’opposé du
                  script. 
              En
                  fait, à la lumière de cet exemple, on se rend compte que scripts
                  et plans sont des déroulements d’actions reliées. Si détourner
                  un avion est un acte qui participe d’un plan, ce plan-acte,
                  comme on l’appelle, est accompli afin d’atteindre un but et
                  il met en œuvre pour le réaliser un ensemble de moyens, parmi
                  lesquels l’action de « pendre l’avion ». Le script « prendre
                  l’avion » participe donc à la représentation du mode d’accomplissement
                  du plan-acte en jeu.  
              Un
                  plan-acte est constitué de l’ensemble des moyens mis en œuvre
                  pour l’obtention d’un but. Le plan-acte a ainsi une double
                  composante : une composante cognitive, qui est le but
                  poursuivi (détourner un avion), et une composante pratique,
                  qui renvoie aux moyens mis en œuvre (prendre un avion).  Lire
                  un récit, dans cette perspective, c’est identifier les plan-actes
                  en jeu. Ainsi, dans La modification de Butor, une situation
                  narrative fondée sur le plan-acte inaugurant se développe tout
                  au long du roman.  Le moyen mis en œuvre par ce plan-acte
                  est le script « prendre le train », tandis que son
                  but est le projet de Léon Delmont d’aller rejoindre Cécile,
                  sa maîtresse, à Rome. On connaît le déroulement et le dénouement
                  de cet acte. 
              Les
                  deux composantes de ce plan-acte ne sont pas dévoilées de la
                  même façon au lecteur. Le moyen, exprimé par le script principal « prendre
                  le train », s’impose dès l’incipit comme le grand déroulement
                  de l’action du récit. Faire le voyage Paris-Rome prend un certain
                  temps, qu’on peut et qu’on doit occuper à attendre, à lire, à penser, à manger, à regarder
                  par la fenêtre, à cohabiter, à dormir, etc. Toutes ces autres
                  actions  qui sont aussi des scripts ayant un déroulement habituel,
                  stable, sans grand suspense, fais sans grande dépense intentionnelle, s’intègrent à l’action plus large qu’est « prendre
                  le train ». Le lecteur suit, pas à pas, le déroulement
                  de la situation narrative du train, qui est présentée en détail
                  grâce à l’explicitation des moindres gestes du héros et de
                  ses pairs, de tous ces scripts actualisés. 
              Un
                  tel développement de script est inhabituel dans un roman. On
                  se contente bien souvent, et le lecteur s’en satisfait, de
                  mentionner le script en jeu, de donner quelques détails nécessaires à la
                  compréhension de la poursuite de l’action, pour assurer le
                  développement de la situation narrative. Une représentation
                  générique suffit  à présenter un script qui, une fois
                  identifié, s’impose de lui-même. L’innovation de Michel Butor
                  est justement de modifier le seuil de la représentation de
                  l’action, de le faire baisser, pour ainsi dire, d’un cran,
                  imposant le geste  une action de base plutôt qu’une action
                  complexe narcotisée  comme moteur de la principale situation
                  narrative du texte. Le script est développé dans ses moindres
                  détails, ce qui ralentit la vitesse narrative. Une vision renouvelée
                  d’une action usuelle est offerte et c’est ainsi qu’une défamiliarisation
                  vient s’immiscer dans le quotidien. 
              Le
                  but du plan-acte, quant à lui, ne se révèle au lecteur que
                  petit à petit, morceau par morceau. Pendant de nombreuses pages,
                  cette action de « prendre le train » n’est associée à aucun
                  plan, à aucun projet explicite (on en parle alors comme d’une
                  action non associée). On ne sait pas pourquoi le personnage
                  prend le train. La composante cognitive du plan-acte, pourtant
                  essentielle au développement de la situation narrative, est
                  longtemps manquante et, par conséquent, objet d’une recherche,
                  d’un suspense. Déjà, à la seconde page du texte, le nom de
                  Cécile apparaît (p.10), mais dans un contexte qui ne permet
                  pas de lui attribuer une signification particulière. Quelques
                  pages plus loin, il est dit que le voyage de Léon se fait à l’insu
                  de tous, de sa femme et de la compagnie pour laquelle il travaille
                  (p.19). Puis, il est question de ce voyage comme d’une libération,
                  d’une rupture et même d’une délivrance. Graduellement, la composante
                  cognitive du plan-acte remonte à la surface, comme un secret
                  trop longtemps gardé. Le projet qui, déjà, est en voie de se
                  réaliser est dévoilé, donnant à la situation narrative une
                  direction: Rome. La ville, mais surtout Cécile, qu’il veut
                  rejoindre pour repartir à neuf.
              Scripts
                  et buts se présentent de façon différente dans ce texte. Les
                  uns se donnent de plein fouet, tandis que les autres se laissent
                  davantage désirer. Les uns sont décrits, tandis que les autres
                  sont expliqués. Ils jouent, de plus, des rôles différents dans
                  le développement de la situation. Les uns, les scripts, permettent à la
                  situation narrative d’occuper un certain espace dans la narration,
                  et les autres, les buts ou les plans, de lui attribuer une
                  position dans cette narration. Une situation narrative contient
                  donc toujours au moins un plan-acte; elle est le lieu de la
                  réalisation d’au moins une étape d’un plan et, en tant que
                  cette réalisation est la mise en œuvre de moyens qui ont leurs
                  propres modalités d’accomplissement, elle est le lieu d’un
                  ensemble de scripts.  Lire un récit et comprendre les
                  actions qui y sont représentées, c’est identifier les plan-actes
                  en jeu de façon à progresser à travers les différentes situations
                  narratives de ce récit. Mais, comme on le verra à partir d’une
                  série d’exemples, cette compréhension est soumise à de nombreux
                  avatars qui en modifient la portée.
              Jeux sur les scripts
              Une
                  situation narrative occupe un certain espace dans le texte
                  grâce aux scripts qui s’enchaînent les uns aux autres et se
                  suivent. Ces scripts ont deux traits principaux : la régularité du
                  déroulement de leur mode d’accomplissement et le savoir requis
                  pour leur utilisation. Il est important de s’arrêter à cette
                  seconde propriété car elle peut facilement venir à manquer
                  t être l’objet de jeux importants. Dans des cas de représentations
                  discursives fondées sur des accessoires, par exemple, le lecteur
                  peut ne rien connaître du mode d’emploi de l’instrument utilisé.
                  Peu de lecteurs de science-fiction savent comment fonctionnent
                  les vaisseaux intergalactiques et les sauts dans l’hyper-espace;
                  pourtant, des déplacements utilisant de tels moyens sont régulièrement
                  représentés dans ces récits et les lecteurs ne s’en plaignent
                  pas, au contraire.
              Une
                  telle situation se résout habituellement en circonvenant cette
                  absence de savoir préalable du lecteur. Il existe deux façons
                  de contourner le problème. Une première façon consiste à prendre
                  en charge le savoir du lecteur et à programmer des scripts
                  de façon explicite.  Cela se fait en décrivant littéralement
                  le mode d’emploi de l’instrument utilisé, ce qui équivaut à spécifier
                  le script qui prévaut. La seconde façon de circonvenir une
                  absence de savoir consiste tout simplement à simuler un
                  savoir. La représentation d’un script tend à une amplitude
                  minimale. De telles conditions de représentation, on le voit
                  facilement, ouvrent la voie à la simulation. Il est ainsi possible
                  de présenter comme étant un script, un déroulement d’actions
                  qui n’est pas connu du lecteur, afin de faire l’économie de
                  la représentation de son mode d’accomplissement. Le lecteur
                  qui, poussé par le texte, accepte ce déroulement comme script
                  simule par le fait même un savoir sur ce déroulement. Il a
                  ainsi l’illusion qu’un déroulement d’actions lui est présenté quand
                  rien n’est représenté. C’est l’illusion cognitive.
              On
                  trouve, dans Le Dernier des Mohicans, de James Fenimore
                  Cooper (1974 [1826]), une telle illusion. Au début du récit,
                  le groupe qui escorte les sœurs Alice et Cora Munro jusqu’au
                  fort William-Henry rejoint Œil de Faucon, accompagné de ses
                  amis Hurons. Comme la forêt est dangereuse, tous décident d’aller
                  passer la nuit au pied d’une chute. Pour se rendre à ce refuge
                  du coureur des bois, il faut cependant descendre la rivière
                  en canot. Il n’y a qu’un seul canot.  Œil de Faucon décide
                  d’amener d’abord les filles Munro et leur escorte et de revenir
                  ensuite chercher ses amis.  Le courant est rapide, la
                  descente est dangereuse et le trappeur doit accomplir un acte
                  de bravoure :  
              Appuyant
                  une longue perche contre une tête de rocher, le chasseur poussa
                  son embarcation vers le milieu de la rivière.  Il eut
                  beaucoup de peine à forcer le courant, très rapide.  Lutte
                  terrible, dont il était bien difficile de dire qui en serait
                  le vainqueur, de l’eau tourbillonnante ou du rameur.  Les
                  yeux fixés sur les remous, la respiration oppressée, veillant
                  bien à ne provoquer aucun mouvement qui aurait pu faire chavirer
                  la barque, les passagers étaient plus morts que vifs.  Vingt
                  fois, ils se crurent précipités à l’eau; vingt fois, l’adresse
                  du pilote les sauva du désastre.  Enfin au moment même
                  où Alice, croyant sa dernière heure venue et se cachant la
                  tête dans les mains, se voyait déjà emportée par les flots
                  qui tourbillonnaient au pied de la cataracte, la barque s’immobilisait
                  sur un plan d’eau tranquille, près d’une plate-forme pierreuse.
                  (p.53)
              Si
                  la narration semble présenter les hauts faits de cette descente
                  de la rivière, ce n’est qu’un leurre savamment entretenu. La
                  séquence d’actions à laquelle correspond la narration de la
                  descente est en effet réduite aux deux opérations limitrophes :
                  le départ et l’arrivée. Entre les opérations « pousser
                  l’embarcation » et « forcer le courant », pour
                  le départ et « immobiliser la barque » pour l’arrivée,
                  l’action n’est représentée qu’à l’aide d’une description du
                  danger encouru par l’embarcation et la frayeur que ce danger
                  cause aux passagers, ou plutôt à une passagère, Alice. Œil
                  de Faucon « sauve du désastre » le canot à plusieurs
                  reprises, mais cela est une interprétation des actions posées
                  plutôt qu’une représentation de celles-ci. Il n’y a pas en
                  effet de modalités d’accomplissement, c’est un résultat, l’effet
                  d’une action. Et plutôt que de montrer au lecteur comment le
                  trappeur a fait effectivement pour sauver ses passagers du
                  désastre, le texte s’arrête à indiquer leur état:  la
                  respiration oppressée, les corps tendus, les yeux fixes, comme
                  si la peur suffisait à représenter la situation.  Et au
                  moment de la manœuvre ultime, celle qui doit tous les sauver
                  ou les faire périr, le lecteur n’a d’autre choix que de se
                  fermer les yeux, comme Alice, et imaginer ce qui a dû se passer.  Entre
                  le départ et l’arrivée, il n’y a rien, sinon, évidemment, ce
                  jeu sur la perception. De la rame, on passe au regard, à ces
                  yeux fixés sur les remous, puis au blanc des paumes, comme
                  si les lignes de la main pouvaient à cet instant même faire
                  dévier le destin de sa course. Il y a là comme une syncope
                  cognitivo-perceptive. La descente est trop violente pour être
                  perçue, la scène trop insoutenable pour être représentée. L’action
                  est en fait graduellement intériorisée  par un jeu d’orientation
                  perceptive (Ouellet : 1988), allant du plus ouvert (perception
                  du narrateur) au plus fermé (perception d’Alice)  jusqu’à sa
                  plus complète disparition.  
              Ce
                  qui est tout aussi intéressant, par ailleurs, c’est de remarquer
                  que les illustrations du texte, disponibles dans l’édition
                  Folio (1974 : 52 et 54) et datant de 1883, suivent le
                  même principe de représentation. Il y a deux dessins reproduisant
                  l’embarquement ainsi que l’arrivée au pied de la chute.  L’entre-deux
                  est indescriptible... Le passage du texte à l’image s’y fait
                  donc sans pertes ni gains. 
              Il
                  y a là une simulation de savoir : on fait semblant de
                  représenter la séquence.  Mais ce qui est encore plus
                  intéressant, c’est l’utilisation de cette séquence simulée
                  par la suite.  Œil de Faucon doit repartir  pour
                  aller chercher ses amis postés au haut de la rivière.  Il
                  lui faut donc revenir par le même chemin et accomplir les mêmes
                  prouesses. Le texte pourtant ne répète pas la narration des
                  manœuvres de la descente. C’est à peine s’il est dit que le
                  chasseur repart « avec la rapidité silencieuse d’une flèche » et
                  revient, après s’être évanoui dans l’obscurité, accompagné des
                  deux Indiens. Le récit ne répète rien parce qu’il n’en a pas
                  besoin, le déroulement de la descente vient juste d’être défini
                  et il est connu du lecteur. C’est ainsi, à partir d’un savoir
                  simulé, qu’un script de descente des rapides peut être fabriqué.
                  C’est une illusion cognitive. 
              Une
                  telle illusion, cependant, ne doit pas surprendre outre mesure.
                  Ces stratégies cognitives font partie des mécanismes fondamentaux
                  de la représentation de l’action en littérature. Car, en littérature,
                  ce qui importe, surtout, ce n’est pas de respecter les modes
                  d’accomplissement des actions, comme s’est amusé à le faire
                  Butor, mais de donner l’illusion de leur présence. 
              Cette
                  leçon, malgré son apparente simplicité, a échappé à l’attention
                  de certains lecteurs et quelques-uns s’y sont même laissés
                  prendre, qui ont cru tirer de récits des savoirs pratiques.
                  L’exemple par excellence est celui de ce pauvre don Quichotte
                  de la Manche, dont la folie, issue d’une adhésion excessive à l’univers
                  narratif des romans de chevalerie qu’il a trop lus, l’amène à se
                  croire lui-même « chevalier de la Triste Figure » et à parcourir
                  les routes de l’Espagne à la recherche d’aventures. Tout son
                  savoir sur le rôle de chevalier qu’il a adopté, don Quichotte
                  le tient de ses lectures, de ces représentations discursives
                  qu’il a trop longuement côtoyées. Elles sont pour lui une source
                  de savoir véritable, un répertoire de conduites et de modes
                  d’accomplissement d’actions. Ces romans de chevalerie sont
                  pris en effet non pas comme des histoires, des récits, qu’on
                  peut connaître, répéter ou améliorer, mais comme une source
                  fiable, vraisemblable et exacte de comportements, de situations
                  et de leur résolution. Cette  utilisation des romans comme
                  modèle à imiter fonctionne à quelques reprises, mais seulement
                  pour résoudre des situations plutôt simples et où l’utilité de
                  ce savoir n’est que relative. Un exemple suffit pour montrer
                  la stratégie habituelle du chevalier :
              […]
                  il arrivait à un chemin qui se divisait en quatre, et tout
                  aussitôt lui vint à l’esprit le souvenir des carrefours où les
                  chevaliers errants se mettaient à penser quel chemin ils choisiraient.
                  Et, pour les imiter, il resta un moment immobile; puis, après
                  avoir bien réfléchi, il lâcha la bride à Rossinante, remettant
                  sa volonté à celle du bidet, lequel suivit sa première idée,
                  qui était de prendre le chemin de son écurie. (Cervantes 1960
                  [1605] : 72)
              Face à une
                  difficulté, don Quichotte n’a d’autre stratagème que de puiser
                  dans son savoir d’origine romanesque et de se comporter de
                  la façon indiquée, même si cela implique de laisser à Rossinante
                  la possibilité de retrouver sa destination favorite. Pourtant,
                  ce savoir pratique, qu’il croit tenir et utiliser à bon escient,
                  n’est qu’un savoir factice. Et très tôt apparaissent des inadéquations
                  entre un véritable savoir pratique et ce savoir discursif.
                  D’une part, il y a le fait que le répertoire est limité. Ce
                  ne sont pas toutes les situations qui sont représentés dans
                  les romans de chevalerie, mais uniquement les plus importantes,
                  les plus intéressantes, celles qui méritent d’être racontées.
                  On n’a que faire, par exemple, de savoir si l’écuyer à la suite
                  d’un combat peut prendre l’âne du blessé ou, du moins, son
                  harnais; cela ne devient pressant que lorsqu’on les convoite,
                  comme le fait Sancho Panza. Son maître, pourtant, ne sait quoi
                  lui répondre, n’ayant jamais rien lu à ce sujet (p.197). D’autre
                  part, il y a le fait que ce ne sont pas tous les éléments d’une
                  situation qui sont représentés. Certaines parties du mode d’accomplissement
                  d’un script, du fait de leur trop grande simplicité et de leur
                  trop grande prévisibilité, ne sont pas représentées discursivement.
                  Or, cette absence, somme toute relative pour un lecteur qui
                  les sait là malgré le fait qu’il ne les y voit pas, devient
                  problématique pour don Quichotte, qui prend tout au pied de
                  la lettre. Deux exemples vont montrer l’erreur du chevalier :
              [L’hôtelier]
                  lui demanda de plus s’il portait de l’argent. Don Quichotte
                  répondit qu’il n’avait pas une obole, parce qu’il n’avait jamais
                  lu dans les histoires des chevaliers errants qu’aucun d’eux
                  s’en fût muni. À cela l’hôte répliqua qu’il se trompait; car,
                  bien que les histoires n’en fissent pas mention, leurs auteurs
                  n’ayant pas cru nécessaire d’écrire une chose aussi simple
                  et naturelle que celle de porter de l’argent et des chemises
                  blanches, il ne fallait pas croire pour cela que les chevaliers
                  errants n’en portassent point avec eux; qu’ainsi il tînt pour
                  sûr et dûment vérifié que tous ceux dont tant de livres sont
                  pleins et rendent témoignage portaient, à tout événement, la
                  bourse bien garnie, ainsi que des chemises et un petit coffret
                  plein d’onguents pour panser les blessures qu’ils recevaient.
                  (p.64)
              Que
                  tu entends mal les choses! répondit don Quichotte. Apprends
                  donc, Sancho, que c’est la gloire des chevaliers errants de
                  ne pas manger d’un  mois, et, s’ils mangent,  de
                  prendre tout ce qui se trouve sous la main. De cela tu ne ferais
                  aucun doute si tu avais lu autant d’histoires que moi. Quel
                  qu’en ait été le nombre, je n’y ai pas trouvé la moindre mention
                  que les chevaliers errants mangeassent, si ce n’est pas hasard
                  et dans quelques somptueux banquets qu’on leur offrait, mais,
                  le reste du temps, ils vivaient de l’air qui court. (p.108)
               À prendre
                  des représentations discursives d’actions pour un source de
                  savoir pratique sur celles-ci, on commet l’erreur de don Quichotte,
                  qui prend ses illusions cognitives pour des réalités. Les récits
                  n’ont pas à respecter les modes d’accomplissement des actions,
                  ils n’ont qu’à assurer leur présence, ce qui cause lui bien
                  des ennuis. Il y a là, en fait, l’équivalent de pannes cognitives.
                  Don Quichotte ne sait pas ce qu’il devrait savoir et les textes
                  ne rectifient d’aucune façon son ignorance. Il est intéressant
                  de remarquer à cet effet que, si don Quichotte ne parvient à pas à se
                  souvenir de scènes de repas dans ses romans de chevalerie,
                  il se souvient fort à propos des festins et des banquets. C’est
                  que ces derniers valent la peine d’être décrits, étant des événements
                  exceptionnels, inhabituels; tandis que les premiers sont intégrés
                  au quotidien. Tout le monde mange (enfin presque…) et en soi
                  cela ne mérite pas d’être raconté. Ces données qui manquent  payer
                  ce qu’on a reçu, apporter des vêtements, manger régulièrement,
                  etc. ,ne sont pas oubliées mais vraisemblablement omises parce
                  que jugées déjà partagées : il ne sert à rien de spécifier
                  ce que tous devraient déjà savoir. Don Quichotte est en situation
                  de panne cognitive parce qu’il ne partage pas ce qui devrait
                  l’être; et cette panne est d’autant plus évidente que, contrairement
                  au sens commun, il se sert de ses lectures comme base unique
                  de ses actions… 
              Mais
                  don Quichotte n’est pas seul à être victime de telles pannes
                  cognitives. Un lecteur qui ne s’est donné d’autre mandat que
                  de progresser à travers le récit de façon à parvenir à sa fin une
                  lecture, par conséquent, qui s’inscrit dans une économie de
                  la progression plutôt que de la compréhension, va cultiver
                  bien souvent ses propres illusions cognitives. Il y a en fait
                  des illusions cognitives d’origine lectorale comme il y a des
                  illusions cognitives d’origine textuelle. L’illusion cognitive
                  se présente comme une situation où le lecteur fait semblant
                  de savoir et de comprendre le déroulement d’actions qui est
                  représenté, soit parce que le texte l’y invite par le biais
                  d’une stratégie narrative, comme l’exemple de la descente en
                  canot l’a montré, soit parce que les impératifs de sa lecture
                  l’y engage. Lire n’est pas nécessairement tout comprendre.
                  Dans l’économie de la progression, qui correspond bien souvent à la
                  lecture initiale d’un récit et qui consiste à le lire d’un
                  bout à l’autre, à arriver à sa fin plus ou moins rapidement
                  (selon la force de l’intrigue et la qualité de la représentation),
                  il ne faut pas tout comprendre mais simplement en comprendre
                  assez pour assurer cette progression. Des deux composantes
                  du plan-acte, la plus importante en termes de compréhension
                  générale du récit est la composante cognitive. Les buts sont
                  plus importants que les moyens mis en œuvre. Ne pas comprendre
                  les uns a des conséquences bien différentes de ne pas comprendre
                  les autres. Pour une scène de combat, par exemple, le plus
                  important pour la suite du récit et de sa lecture est de savoir
                  qui a gagné et non de savoir comment cela a été gagné. Ne pas
                  savoir qui a gagné (si cela n’est pas caché, bien sûr) vient
                  mettre en danger la suite de la lecture, la progression même à travers
                  le texte. C’est un problème d’incompréhension fondamental;
                  la cohérence du récit n’est plus respectée. Ne pas savoir comment
                  cela a été gagné, par contre, n’est qu’un problème ponctuel,
                  limité (à moins que la façon dont le combat a été gagné ait
                  un impact sur le reste du récit). Un lecteur peut bien ne pas
                  comprendre la représentation des moyens mis eu œuvre dans un
                  combat, en ne partageant pas les scripts utilisés, ou encore
                  ne pas saisir l’enchaînement des actions, et comprendre quand
                  même que c’est le héros qui a gagné et qu’il va poursuivre
                  sa quête. Puisque c’est cette dernière information qui est
                  essentielle à la poursuite de la lecture, l’économie de la
                  progression peut dicter de ne pas tenir compte de cette zone
                  discursive d’incompréhension, de passer outre et de faire mine,
                  littéralement, de comprendre. C’est une illusion cognitive
                  lectorale. Si reconnaître ne pas comprendre, c’est s’arrêter
                  et chercher à comprendre, il faut mieux, dans une économie
                  de la progression, ne pas le reconnaître et faire semblant.
                  Un combat, opposant Pisandre et Ménélas et tiré de L’Iliade,
                  peut nous servir d’exemple. Le combat est déjà engagé quand
                  Pisandre attaque avec sa pique. 
              Pisandre
                  entama le bouclier du glorieux Ménélas sans pouvoir pousser
                  le bronze au travers car le large bouclier tint bon, et dans
                  la douille se brisa la pique. Pisandre, en son âme se réjouissait,
                  et espérait la victoire mais l’Atride, tirant son épée à clous
                  d’argent, sauta sur lui. Pisandre, alors, sous son bouclier,
                  prit une belle hache, bien armée de bronze autour d’un manche
                  d’olivier long et poli, et tous deux, ensemble, se marchèrent
                  sus. (Homère 1965 [1930] : 229)
              C’est
                  Ménélas finalement qui va gagner ce combat en frappant Pisandre à la
                  tête, le tuant net. Le texte sera explicite: les os vont craquer,
                  les yeux sortir de leur orbite et le corps tomber sur le sol.
                  Le lecteur qui prend connaissance de ce combat, qui apprend
                  la victoire de Ménélas et qui poursuit sa lecture, sans vraiment
                  ni arrêter ni s’inquiéter du bon déroulement de la lutte, est
                  en situation d’illusion cognitive.
                  Il peut continuer sans problème sa lecture car ce qui importe
                  est la victoire de Ménélas, mais il aura fait mine de comprendre
                  le texte. Comment comprendre en effet cette réjouissance de
                  Pisandre après que sa pique se soit brisée sur le bouclier
                  de Ménélas? Ou bien il ne sait pas ce que le lecteur sait,
                  ou bien il est inconséquent. On ne se réjouit pas d’un tel
                  résultat négatif et on n’en espère pas la victoire! On peut
                  invoquer des problèmes de traduction, mais cela ne règle rien
                  et surtout pas le dilemme du lecteur qui veut progresser dans
                  sa lecture du texte. Si les problèmes apparaissent criants
                  dans cette phrase, laissant croire à une incohérence du texte,
                  ils n’en sont pas moins importants dans la dernière phrase
                  de l’exemple, quoique là, la difficulté soit insidieuse. Il
                  est dit que Pisandre prend une hache sous son bouclier. L’action
                  de « prendre quelque chose sous quelque chose d’autre » se
                  conçoit facilement, la préposition « sous » s’utilisant
                  sans problèmes avec le verbe « prendre ». On prend
                  la clé sous le paillasson; on prend une feuille sous un livre;
                  mais comment prend-on une hache sous un bouclier, surtout quand
                  l’ennemi attaque avec son épée et que ça presse? On connaît
                  certaines caractéristiques de la préposition « sous »,
                  dont l’ordre sur l’axe vertical (Vandeloise 1986 : 186
                  et ss.) implique que la cible soit plus basse que son site.
                  Le bouclier est une surface plane; pour que la hache soit « sous » cette
                  surface, il faut donc que le bouclier soit à l’horizontale.
                  Où peut-il être? Pisandre ne peut l’avoir à son bras car le
                  bouclier serait alors à la verticale. Il peut être sur le sol;
                  mais alors, d’une part, comment fait-il pour l’atteindre en
                  pleine contre-attaque de Ménélas et, d’autre part, pourquoi
                  ne le porte-t-il pas à son bras comme tout bon guerrier? 
              La
                  situation n’est donc pas si simple que cela. Les gestes les
                  plus simples en apparence recèlent quelquefois des énigmes
                  difficiles à résoudre. Deux possibilités s’offrent au lecteur
                  de L’Iliade. Ou bien passer d’une économie de la progression à une économie
                  de la compréhension et  arrêter de lire pour chercher
                  la réponse à ces deux problèmes; ou bien les évacuer, faire
                  mine de comprendre  c’est l’illusion cognitive  et poursuivre
                  la progression à travers le texte. Dans l’économie de la progression,
                  la compréhension n’a pas à être exhaustive mais fonctionnelle.
                  Elle est celle, minimale, requise pour la poursuite de la lecture,
                  marquée par la présence d’illusions cognitives lectorales,
                  d’un nombre restreint d’inférences, etc. Le seuil de cette économie
                  est l’identification des principaux plan-actes du récit. 
              Conclusion
              Lire
                  un récit et progresser à travers ses situations narratives
                  demandent donc de comprendre, ne serait-ce que minimalement,
                  par le biais d’illusions cognitives, les actions qui y sont
                  représentées : scripts, plan-actes et autres déroulements
                  complexes. En fait, ce que les différents exemples ont permis
                  de montrer, malgré leur hétérogénéité et leur état fragmentaire,
                  c’est la diversité des représentations, allant de l’exhaustivité de La
                  modification à la syncope du Dernier des Mohicans,
                  ainsi que leurs modes de compréhension, en regard desquels
                  don Quichotte a incarné ce seuil de la lecture qu’il ne faut
                  pas dépasser, c’est-à-dire une adhésion exclusive aux seuls
                  déroulements représentés explicitement dans le texte. Plus
                  qu’un parent pauvre, le chevalier est un lecteur monomaniaque
                  qui prend tout au pied de la lettre. Les exemples tirés de
                  ses aventures permettent en fait de problématiser deux derniers
                  aspects de la lecture des récits. 
              D’une
                  part, il y a l’importance de l’intérêt d’une action ou d’un événement
                  pour sa représentation. Il n’est représenté discursivement
                  et retenu par un lecteur que ce qui en vaut la peine :
                  un récit doit avoir un point d’intérêt (Wilensky [1983] en
                  parle en termes de « story points »). Ce qui est
                  soulevé ici est la distinction entre « comment se réalise
                  la lecture » et « ce qui est retenu de ce qui est
                  lu ». Il apparaît évident que la composante pratique du
                  plan-acte  les moyens mis en œuvre , s’efface, une fois la
                  lecture terminée, au profit de la composante cognitive. L’articulation
                  de ces deux composantes s’est présentée à la lecture comme
                  le passage ascendant de l’endo-narratif au narratif. Mais ce
                  parcours n’a pas à être retracé pour se souvenir du récit.
                  Il ne sert à rien de se souvenir des menues actions, des petites
                  unités de l’agir, ces repas qu’il faut prendre, ces services
                  qu’il faut payer; les grandes actions suffisent, les grandes
                  opérations narratives et descriptives. Qu’est-ce que résumer
                  un récit sinon justement présenter les plan-actes, décrire
                  l’enchaînement des principales actions, présentées de façon
                  générique, en fonction des buts qu’elles permettent d’atteindre.
                  Le résumé est un discours par conséquent dénué de toute cette
                  composante pratique par laquelle le texte s’est donné à lire
                  au lecteur en premier lieu, et par conséquent, de toutes ces
                  situations narratives qui ont ponctué sa progression. Cette
                  composante, une fois qu’elle a joué son rôle, n’a plus sa raison
                  d’être, à moins d’avoir constitué pour le lecteur un point
                  d’intérêt quelconque (et devenir un «  story point »).
                  Il est donc tout à fait normal que don Quichotte ne se souvienne
                  d’aucune scène de repas, ceux-ci ne jouant aucun rôle important
                  dans ses romans de chevalerie, si tant est qu’ils sont mentionnés;
                  un script, une action répétitive et usuelle, est rarement l’objet
                  d’un long développement (à moins d’être le prétexte à autre
                  chose). Mais il n’en va pas de même pour les festins, beaucoup
                  plus rares et importants et où il se passe habituellement des
                  choses importantes pour la suite du texte. 
              D’autre
                  part, il y a ce que demande de savoir le texte, notre question
                  initiale. L’exemple de don Quichotte permet de confirmer que
                  les textes ont bel et bien des demandes qui doivent être satisfaites.
                  Le problème avec le chevalier de la Triste-Figure, c’est qu’il
                  tire tout de ses livres de chevalerie et qu’il n’y met rien.
                  Sa folie, c’est exactement cela : non seulement l’utilisation
                  excessive de l’information contenue dans les textes qu’il a
                  lus, mais l’oubli presque complet de tout savoir pratique issu
                  de sa vie. Il n’y a que les livres qui valent comme source
                  de savoir. Or, ce que le texte montre par l’absurde, c’est
                  que, dans la lecture, on peut peut-être en prendre, mais il
                  faut surtout en donner. Il faut utiliser son propre savoir
                  pratique, construit à même une expérimentation du monde, des
                  comportements et des situations, ainsi que de leurs représentations
                  discursives usuelles, et l’injecter dans son acte de lecture.
                  L’hôtelier de l’exemple le savait, qu’il est du sens commun
                  de payer avec de l’argent sonnant tout service rendu, même
                  s’il n’en est pas fait mention dans un quelconque roman. Il
                  y a de ces choses qu’il faut savoir et qu’il s’agit de ne pas
                  oublier quand on lit. On ne commence pas un livre tabula
                  rasa; on le lit riche d’une expérience pratique, qui participe
                  d’ailleurs à la construction de sa signification. En fait,
                  l’amnésique don Quichotte semble avoir oublié les plus simples
                  leçons de la vie; le seul savoir qu’il respecte est celui,
                  discursif et factice (parce que non effectif et représenté),
                  qu’il extrait des livres.
              On
                  ne peut pas répondre de façon extensionnelle à la question
                  du savoir demandé par le texte. La notion d’encyclopédie, telle
                  que développée par Eco (1984), parvient à imposer l’image d’une
                  grande ressource accessible et dépositaire de tous les savoirs;
                  mais il y a loin du rêve à la réalité. On peut offrir, par
                  contre, un aperçu de réponse de nature intensionnelle :
                  le texte demande d’avoir, ne serait-ce que minimalement, ces
                  savoirs pratiques, portant sur les actions et les comportements,
                  les lieux et les situations, les instruments, qui sont représentés
                  discursivement. Le texte requiert une connaissance du monde;
                  sinon, ce ne sont jamais que des mots, avec des espaces pour
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