Convocation
                    du devenir, éclat du survenir et tension
                    dramatique dans les récits
            
               
              par
                      Pierre Sadoulet
                Université Jean Monnet  Saint-Étienne              
             
            
              
                «La
                      pratique du récit (…) a aussi une fonction de compréhension de
                      soi pour les personnes qui ont à objectiver leur appartenance
                      au moindre vécu dont elles font partie, en leur qualité actuelle
                      de participants à la communication. En particulier, elles ne
                      peuvent forger une identité personnelle qu'à condition de reconnaître
                      que la succession de leurs propres actions constitue une histoire
                      vécue susceptible d'être mise en récit.»
 
                           (Habermas Théorie
                      de l'agir communicationnel Tome II Traduction française.
                    Paris Fayard 1985) 
              
            
            
                 
                Cette citation
                          d'Habermas montre l'un des enjeux de toute analyse du
                    devenir. Elle rappelle que la construction
                        du devenir par le sujet de la production de sens s'avère être une
                        praxis ayant un caractère identitaire. Comme le montre Jacques
                        Brès dans ses récents ouvrages sur la narrativité, c'est d'abord pour
                        se construire une vision unifiée et ascendante de l'agir que le
                        sujet raconte des histoires et ainsi se construit une vision unifiée
                      du temps et du devenir.
             
            De ce fait,
                    la construction du devenir ne peut pas être seulement ramenée à une convocation de la continuité tensive
                  perçue par le sujet /92/ dit "protensif". Si une forme
                  du devenir peut être l'expérience d'un tel sujet qui n'aurait pas
                  encore complètement donné sens à ce qu'il vit, on peut faire remarquer
                  qu'une autre forme de continuité liée aux transformations narratives
                  est reconstruite, en fin de parcours, par la série d'opérations
                  propres à la mise en récit qu'il faudrait essayer d'analyser en
                  elles-mêmes. Il y aurait à côté d'un devenir protensif, un devenir construit comme une continuité de substance mise en clôture
                  dans l'unité d'un discours. 
            Pour arriver à comprendre l'ensemble des conditions
                  de la mise en signification du devenir et de la temporalité tels
                  qu'ils sont construits par les formes les plus fréquentes de la
                  mise en récit, nous proposons de prendre en compte des apports
                  de Guillaume dans ce domaine. La double direction qu'il a retrouvée
                  dans la représentation du temps constitue une analyse de la substance
                  sémantique du devenir construit qui permet de comprendre les tensions
                  qui, à tous les niveaux, constituent le devenir, ainsi que la façon
                  dont les sujets tentent de les résoudre, notamment à travers les
                  formes les plus populaires de la narration.
            Par une analyse
                    rapide de plusieurs configurations particulières, nous voudrions montrer qu'on peut faire l'hypothèse
                  que la construction d'un devenir repose sur la mise en tension
                  entre le survenir qui est le fait de ce qu'on pourrait appeler un temps
                  objectif et les différentes formes d'anticipations de "l'à-venir" qui
                  auraient fait attendre éventuellement un autre déroulement. L'un
                  et l'autre flux que le sujet ne peut pas ne pas construire pourraient être
                  considérés comme deux formes de la convocation du devenir protensif,
                  que l'on définira, conformément aux propositions de Greimas Fontanille,
                  comme l'expérience de la schizie fondatrice qui serait la précondition
                  de la sémiosis.  
            /93/
            Du fait de
                    la force dispersive que fait vivre le survenir dont la cursivité propre s'oppose à la "protensivité phorique", la construction des significations
                  temporelles se fait selon plusieurs modes différents d'appréhension
                  des procès, dont on retrouve les manifestations dans les différentes
                  catégories du temps et de l'aspect articulées par les systèmes
                  linguistiques. A côté du survenir, qui sera perçu comme cursif
                  ou ponctuel, on peut envisager la mémorisation d'un devenir objectif
                  mis en continuité comme survenu ou révolu (temps décadent). En
                  opposition tensive avec ce flux descendant, on peut envisager une
                  double signification anticipatrice : soit le sujet tente de
                  prévenir le survenir en essayant d'objectiver son anticipation,
                  de prévoir les événements "à venir". Il construira alors
                  une prévision. Soit le sujet affirme
                  une contre-nécessité —liée à son affirmation identitaire— en imaginant
                  un "à-venir" conforme à ses dispositions modales. Il
                  s'agit de l'attente d'un survenir particulier dont on verra le
                  rôle qu'elle joue dans la sensibilisation du devenir construit.
                  La mise en évidence du survenir qui constitue une "force dispersive" en
                  tension avec la "contre-nécessité" de l'attendu, permet,
                  en particulier, de postuler le fonctionnement sémiotique de la
                  tension dramatique, présupposée dans de nombreuses formes de récit,
                  notamment dans les médias modernes. 
            
              
I) La
                schizie du survenir et la perception du temps objectif
            
            
              
1. La double
                visée du temps : ascendance et décadence.
            
            Il est assez
                    connu que Gustave Guillaume analyse le présent de l'indicatif comme signifiant une épaisseur constituée
                  de deux vecteurs, le vecteur de futur ou incidence, le vecteur
                  du passé ou décadence. /94/ Nous dessinerons ainsi ce qu'il
                  a conçu, afin de mieux mettre en évidence la schizie propre à tout
                  devenir, qu'il s'agisse du devenir continu protensif ou du devenir
                  construit et articulé par les discours narratifs : 
            
              
              Par
                    ce schéma, nous analysons une tension fondamentale
                      propre à tout devenir puisque l'incidence de "l'à-venir"  n'aurait
                      pas la même direction que la décadence du survenir.
                      Le temps y est conçu comme à double sens : un temps décadent,
                      qui a tous les caractères d'un temps objectif se déroulant du présent
                      au passé et un temps incident, construit en ascendance, c'est-à-dire
                      comme allant de l'observateur cognitif vers l'avenir, ce que nous
                  orthographions comme "l'à-venir".
             
            A. La sagesse
                    populaire dit : "Ce
                  qui est fait est fait". La séquence décadente qui suit l'instant
                  du survenir, disons le survenu, échappe à /95/
                  toute potentialité. Son effet de sens est celui d'un état intangible,
                  une sédimentation d'être contre laquelle on ne peut plus rien.
                  Personne ne peut prétendre modifier son passé.
            Ce révolu certes est susceptible de modalisations
                  diverses. Le sujet épistémique va donner sens à l'injonction dispersante
                  du survenir, ne serait-ce que pour échapper à la surprise de la
                  béance qu'il crée. Il peut lui associer des pathèmes depuis la
                  douleur et la souffrance jusqu'à la satisfaction la plus euphorique.
                  Plus largement, il peut prédiquer à son sujet toutes les formes
                  d'évaluations morales ou cognitives. Il peut même, par les opérations
                  propres à la mise en récit, le reconstruire totalement en ascendance, "logifié",
                  unifié dans une nouvelle causalité, moyen de prévoyance pour d'autres
                  occurrences. Quoi qu'il en soit ce survenir est là, inéluctable,
                  présentifié par la mémoire immédiate et l'activité de signification.
                  Le sujet ne peut plus rien pour lui.
            B. Inversement
                    la portion incidente du présent
                  est nécessairement anticipation sur "l'à-venir".
                  De ce fait il reste, lui, encore porteur de potentialité. On peut
                  encore éviter "l'à-venir" incident. Tant qu'il n'est
                  pas révolu, du fait du survenir, "l'à-venir" reste à portée
                  de l'agir humain. Plus largement "l'à-venir" admet toutes
                  les modalités potentialisantes qui définissent les modes d'existence
                  modale du sujet.  
            Il y aurait
                    donc, dans la cursivité du survenir,
                  une scission, une négation de potentialité qui transforme de façon
                  définitive le remédiable en irrémédiable. La signification même
                  donnée par le sujet à cet objet particulier qu'est l'expérience
                  d'un survenir est la conséquence de cette schizie.
            Cette contrainte,
                    qui tient évidemment à l'expérience
                  pratique de /96/ tout sujet humain, ne nous semble pas pouvoir
                  ne pas être prise en compte dans la description de la forme du
                  devenir, en tant que catégorie de la substance du contenu. Cette
                  propriété est, en particulier, à l'origine de "l'éclat " que
                  prend le survenir dans les discours narratifs : faire intervenir
                  le survenir au niveau discursif, c'est le mettre en tension avec
                  l'anticipation qui en est faite. S'il survient quelque chose, c'est
                  pour l'observateur, en opposition ou en cohérence avec une anticipation
                  de celui-ci, ce qui crée un effet de surprise qui peut, lui-même, être
                  diversement axiologisé. Et pour reprendre Sémiotique des passions, c'est la construction même de cette scission phorique
                  qui crée l'effet de sens caractéristique du devenir protensif.
            Si
                    la protensivité est comprise comme l'effet modal
                  archaïque de la scission dans l'espace de la phorie, le devenir
                  en serait la version "positive", favorable à l'apparition
                  de la signification. 
            On notera
                    pour finir que le même ouvrage voit
                  dans cette opération le moyen pour le sujet de s'affirmer : 
            En
                    revenant à la manière dont l'émergence du sujet
                  protensif a été envisagée, on peut dire qu'il paraît sollicité par
                  deux forces congruentes mais quasi-contradictoires : d'une
                  part la protensivité, grâce à laquelle le sujet se différencie
                  de l'objet, et qui lui procure une image de son "ipséité",
                  et, de l'autre, la fiducie, cette façon d'être du "sujet pour
                  le monde", qui, parce qu'elle suspend cette différenciation
                  lui présente une sorte « d’altérité » .  
            /97/
            Cela peut
                    nous renvoyer à la citation liminaire
                  d'Habermas.
            
              
B) L'agir
                et la mise en ascendance.
            
            Si l'on s'en
                    tient au niveau des préconditions
                  de la signification, on peut donc avancer que cette saisie de la
                  décadence temporelle présuppose le dépassement par le sujet constructeur
                  de la signification d'une sorte de fusion minérale avec le flux
                  des survenir. En effet ce flux décadent fait de l'individu tensif
                  qui se contente de le subir un simple objet du monde, non conscient
                  de ce qui lui arrive.
                  La mise en conscience suppose l'apparition de la scission modulée évoquée
                  par Greimas et Fontanille. Le proto-sujet opposerait alors une
                  protensivité phorique à la décadence du temps objectif. Grâce à une
                  telle scission, l'individu cesse d'être un non-sujet subissant
                  la décadence des survenues pour prendre la position d'un sujet,
                  c'est à dire, par définition, un actant visant un objet. De ce
                  fait, plus globalement, il affirme une individualité distincte
                  du monde et des autres. 
            La praxématique de Robert Lafont propose de
                  relier cette affirmation du sujet à un autre concept, celui de l'agir. C'est parce que le sujet humain veut
                  agir sur le monde qu'il s'efforce de projeter ses dispositions
                  modales, notamment son vouloir, sur le futur, seul espace du temps
                  où effectivement il peut agir. Du coup, il se trouve amené au sursaut
                  phorique par lequel il va inverser le sens du temps objectif. Le
                  sujet, dans sa volonté d'agir, se propose de ne reconstituer du
                  temps que sa partie prévisible modalisée par cette volonté. Il
                  opère donc /98/ des mises en intrigue. Il va par des opérations
                  de débrayage, convoquer le passé selon la même perspective ascendante,
                  en déplaçant la base temporelle de l'observateur. 
            Cette opération de mise en ascendance du temps
                  constitue un thème central des ouvrages récents de Jacques Brès
                  sur la narrativité. Elle atteint même "le temps du
                  racontant", comme dit l'auteur : « le temps du raconté correspond à la
                  retombée en objectivité mesurable — temps mort — de la
                  dynamique ouverte —temps vivant — par l’activité du dire sous-tendue par celle de l’à-dire que je propose d’appeler
                  le temps racontant … ».
            Correspondant au temps du dire, il est comme lui ascendant. J’ai avancé tout à l’heure le terme de projet. Le temps racontant, qui se déroule dans l’ascendance
                    du dire, a la forme de l’agir : conquête de l’avenir à partir
                    du présent. 
            On tirera
                    de cette analyse — qui concerne
                  le réglage de la signification constituée en discours, autrement
                  dit ce que nous appelons le devenir construit — l'hypothèse
                  que la schizie phorique qui constitue le devenir protensif pourrait être
                  une des phases par laquelle s'opère ce retournement du temps. Cette
                  schizie du devenir serait le substrat qui créerait les bases de
                  la double forme de la temporalité : d'abord un devenir lancé,
                  si l'on peut dire, par le presque-sujet, un devenir tensif polémique
                  subjectivant, modalisé et sensibilisé, facteur d'identité, qui
                  constitue la base de l'attente.
            A l'inverse,
                    il existe aussi un traitement de "l'à-venir" que nous dirions docile, réflexif, dominé par
                  les modalités aléthiques et, dans une certaine mesure, la fiducie :
                  il s'agit de la prévision,
                  toujours fidèle à l'objectalité, sinon à une objectivité rationalisante Elle
                  se /99/ développera en diverses opérations d'identifications ou
                  de reconnaissances qui vont procurer au sujet défini par la négation-sommation
                  un savoir catégorisé sur le monde.  
            La convocation
                    en discours du devenir va donc constituer le lieu d'une tension
                    polémique entre ces deux modes
                  différents d'appropriation du devenir, l'un en attente, selon les
                  divers dispositifs modaux liés à la narrativité, l'autre en prévision,
                  cherchant la conformité aux lois propres du monde naturel, l'analysant
                  donc en "décadence" possible.
            Reprenant
                    les propositions de Jacques Brès,
                  on pourra faire l'hypothèse qu'il y aura, au même niveau de la
                  mise en discours, une troisième opération servant à combler la
                  béance ainsi créée par la tension des deux autres, la mise en intrigue,
                  qui transforme la temporalité sédimentée en ascendance. Elle fera de la succession
                  des survenir la quête par le sujet d'une expérience pratique et
                  de ce fait l'acquisition d'un nouveau savoir et une affirmation
                  de soi.  
            
              
  
            
            
              
II) La tension entre survenir et attente noologique :
                  les emplois de "encore" et "déjà" dans "Osiris
                ou la fuite en Égypte".
            
            A partir du
                    moment donc où le sujet est constitué comme
                  tel, où il se construit une attente, il se trouve en tension avec
                  le survenir ou sa prévision. Il se crée donc comme effet de sens
                  toute une dialectique particulière dont nous voudrions montrer
                  une illustration à travers un poème de Jacques Prévert. 
            Si l'on voulait
                    analyser très schématiquement
                  le poème— voir le texte en appendice — on pourrait dire
                  qu'il oppose deux séries de programmes narratifs, qui sont mis
                  en tension :
            /100/
             1) Des programmes 'bourgeois idolâtres'
                  qui serviraient de fond :
                  - Le
                  vers 22 fait allusion à 
            " Toutes les idoles mortes des églises
                  de Paris" 
            où se tiennent les mariages officiels.
                  Ceci sert d'indice pour convoquer le motif du "mariage" "bourgeois" "idolâtre" comme
                  fond polémique servant de repoussoir par rapport au "mariage" particulier
                  des deux amants.
            - À cette évocation polémique de la morale
                  bourgeoise doit être lié le fond de guerre mis en perspective dès
                  le début du poème.
            2)
                    Des programmes 'naturels et païens' qui serviront
                  de motifs mis en accent :
                  - le sourire
                  de la ville illuminée par l'été
                  - surtout
                  le mariage païen et privé de deux amants qui s'embrassent avec
                  la bénédiction d'un Osiris, dieu égyptien ressuscité des morts. 
            Dans cette
                    stratification, on peut observer que le conflit le plus saillant
                    est celui de la guerre et de l'amour,
                  qui sont plus particulièrement focalisés dans le fonctionnement
                  discursif du poème. La guerre est l'objet de trois résistances
                  : celle de l'été, de la ville et des amants. Deux de ces amants
                  occupent l'essentiel de la longueur du poème qui raconte leur "histoire".
                  En outre ils bénéficient, comme tous ceux qui s'aiment, du sourire
                  d'été offert par la ville. La guerre fonctionnerait donc comme
                  anti-destinateur par rapport à la ville et à Osiris. C'est à travers
                  ce contexte que l'on va pouvoir analyser comment les adverbes "encore" et "déjà" vont
                  opposer les diverses modes d'anticipation et le survenir.
            
              
A.  "Déjà l’été, encore la guerre" vers
                2
            
            La première remarque que l'on pourrait faire,
                  consiste à observer /101/ l'aspect inchoatif du "déjà" qui
                  correspond au survenir de l'entrée dans une durée, présentée comme
                  soudaine. "Encore" de son côté serait duratif et itératif,
                  en ce sens qu'il signifie, comme l'a montré Catherine Fuchs dans
                  sa communication au colloque de 1992, une quantité supplémentaire
                  de durée pour une même entité (qui peut être aussi bien un état
                  qu'un procès, si l'on sort du cas spécifique de l'itération). Comme le dit Catherine Fuchs,  (p.140). "Encore" marque
                  qu'on ajoute des nouveaux syntagmes à une durée. 
            Si l'on veut
                    gloser l'effet de sens thymique de chacune des deux expressions,
                    on peut dire que "déjà" exprime
                  une surprise. Il y a là ce que Claude Zilberberg appelle, si j'ai
                  bien compris, un "effet de concession" :
                  dans la prévision de l'observateur présupposé par le texte, l'été ne
                  devait pas arriver. 
            Si "déjà" exprime la surprise, "encore",
                  lui, crée un effet de sens, atténué d'ailleurs, de scandale. La
                  prolongation de l'absurdité guerrière se met en tension avec l'attente
                  de sa fin. Alors que dans le cas de "déjà", l'attente
                  pouvait être objectivée en simple prévision cognitive, il y a ici,
                  semble-t-il, attente déçue. 
            Pour reprendre
                    l'analyse très pertinente que
                  fait Claude Zilberberg dans l'article qu'il a publié dans Sémiotique
                  et Bible, n°69, on peut décrire l'excès comme une tension entre
                  la démarcation qui
                  pose des limites et la segmentation qui
                  constate objectivement des positions intermédiaires. 
            Si l'on applique
                    ce schéma  à l'effet
                  de sens de nos deux adverbes, on s'aperçoit que "déjà" correspond à un
                  survenir qui précède la démarcation prévue, alors que "encore" correspond à une
                  sédimentation de survenir repensée comme une contre-ascendance
                  /102/ qui dépasserait la démarcation attendue. "Encore" correspondrait
                  donc à un excès d'ascendance de la part de la guerre.
            
A la vue du
                    schéma, on pourrait penser que "déjà" ne
                  signifierait pas à un excès mais un manque, en raison du fait que,
                  dans le sens de l'ascendance, la segmentation précède la démarcation.
                  Mais un retour purement intuitif sur l'effet de sens perçu conduit à refuser
                  que le "déjà" puisse être lié à un manque. Nous avançons
                  donc l'hypothèse que "déjà" correspond ici à la mise
                  en perspective du temps objectif —descendant— tandis que "encore" jouerait
                  dans la direction temporelle ascendante. "Déjà" sert à constater
                  un survenu, antérieur la prévision, envisagé depuis le lieu même
                  où il se réalise, encore semble plutôt marquer une augmentation
                  vers le futur, observée ici depuis le lieu de la démarcation./103/ 
            
              
B)  "sourit, sourit
                  encore" vers 4
            
            Ce deuxième exemple confirme ce qui vient d'être
                  dit de "encore". "Encore" est, au vers 4, un
                  exemple quasi-canonique d'itération, avec un tempo créé par tout
                  le contexte d'itérations prises en charge sur le plan de l'expression.
                  Nous ne referons pas la démonstration de Catherine Fuchs. Il y
                  a bien ici insistance sur une augmentation de durée ou une itération
                  du procès, conçu en ascendance.
            Mais l'itération a un autre intérêt, elle est
                  facteur de renforcement métaphorique. En effet ce sourire de la
                  ville qu'on peut mettre en relation figurative avec l'éclat du
                  soleil de l'été sur la même ville, est une figure métaphorique
                  qui sert à impliciter toute la joie et la sympathie transmise aux
                  amants par la ville illuminée de soleil, à cause de l'été. "Encore",
                  par la récurrence du procès qu'il signifie, crée donc un effet
                  de sens d'intensification.
            Il reste que
                    la duplication même du mot signifie
                  l'ampleur d'un besoin directement créé par la guerre. Le contexte
                  n'est plus aspectualisé par l'excès mais plutôt il présuppose un
                  manque. La segmentation provoquée par un survenir se trouve en
                  ajouter un segment nouveau sans avoir atteint la limite désirée.
                  On se trouve donc à nouveau dans un emploi qui sert à mettre en
                  discours une tension. Mais on s'aperçoit que cette signification
                  est créée par le contexte modal, elle n'est pas contenue dans le
                  signifié des lexèmes. "Encore" qui correspondait à l'expression
                  de l'excès devient ici, du fait du contexte modal, la manifestation
                  d'un manque. 
            
              
  
            
            
              
III) Une configuration sensible : la tension dramatique. 
            
            
              
Le
                      combat décisif dans une
                  série Américaine.
            
            Lorsque ce
                    conflit entre "l'à-venir" et
                  le survenir prend l'ampleur d'une disposition modale, il se manifeste
                  sous la forme d'une véritable configuration sensibilisée, généralement
                  convoquée par le spectateur et que l'on peut décrire comme la "tension
                  dramatique".
            /104/
            Il sera facile
                    de percevoir la configuration pathémique, si l'on essaie de rendre compte schématiquement de
                  certains combats à mains nues que l'on peut trouver dans un western
                  ou mieux dans une série policière américaine. Nous choisirons le
                  deuxième exemple parce qu'il nous semble constituer un motif fondamental
                  dans la culture médiatique actuelle.
            Nous recourrons
                    ici à un exemple qui ne se
                  réfère pas à un objet textuel précis mais au schème général dont
                  le lecteur reconnaîtra l'évidence. Nous nous écartons donc ici,
                  dans notre démarche méthodologique, du principe d'immanence, selon
                  lequel on ne pourrait mener d'analyses du contenu qu'à partir de
                  manifestations textuelles, elles seules pouvant présupposer un
                  signifié "immanent" doué de quelque objectivité. En fait,
                  l'application stricte de ce principe méthodologique nous paraît,
                  tout bien pesé, assez illusoire. Même
                  si l'on pouvait rêver d'un travail d'analyse de la forme du contenu
                  qui laisse de côté toute intuition pour relever d'une objectivité rigoureuse,
                  nous devons constater que
                  l'analyste ne peut pas échapper à la paraphrase des configurations
                  qu'il reconnaît dans la lecture d'un objet textuel, à une glose par
                  laquelle il se donne les moyens de prendre conscience de la textualisation
                  pour ne pas dire de la mise en discours qu'il a construite dans
                  son fort intérieur.  
            Dans le cas
                    qui nous intéresse, il serait artificiel
                  d'extraire un quelconque objet textuel qui décrirait une tension
                  dramatique. La tension dramatique n'est pas manifestée
                  par le texte, elle est un pathème convoqué par le spectateur. Il
                  faudrait donc trouver un texte qui analyse ce vécu du spectateur.
                  Or un texte qui représenterait ce vécu /105/ serait aussi intuitif
                  et subjectif que la glose que nous essaierons de faire valider
                  ici. C'est pourquoi nous nous contenterons de mener une première
                  analyse à partir du sentiment commun que nous pensons pouvoir partager
                  avec nos lecteurs, qui ont tous eu l'expérience de ce type de configurations
                  passionnelles. Il s'agira d'une glose textuelle comme une autre.
            Ajoutons que
                    dans le cas de cette configuration pathémique, on se heurte pour la décrire à une forte variabilité dans
                  son développement, selon les individus, voire même les instants
                  vécus par chacun. Nous tenterons de réduire cette variabilité par
                  la mise en texte volontaire d'une caricature qui conserve les traits
                  les plus généraux de cette expérience sensible. De toute façon,
                  il y tout lieu de penser que l'essentiel apparaîtra à tous, à savoir
                  la tension entre prévision et attente qui la constitue, elle-même
                  sanctionnée par la nécessité ontique des survenir.
            Nous décrirons donc le motif du combat décisif à coups
                  de poings de la façon suivante : au cours d'une séquence truffée
                  de péripéties, on voit le héros souffrir du fait d'un adversaire
                  qui le met à mal pendant très longtemps. L'objectif des auteurs,
                  dont on sait l'intérêt qu'ils ont à donner des sensations fortes à leurs
                  spectateurs, est d'intensifier l'effet de tension dramatique dans
                  cette confusion qui laisse croire, qui laisse craindre que le héros
                  puisse ne pas l'emporter. Et il arrive parfois que ce soit le cas
                  et voilà notre homme prisonnier des bandits, alors qu'on attendait
                  qu'il les mette hors d'état de nuire. Mais il suffirait de regarder
                  sa montre et l'on saurait qu'il ne reste plus beaucoup de temps
                  donc que cette confusion finira bien. L'attendu de l'image but
                  se réalisera et l'on verra le méchant assommé ou tué, en tout cas
                  mis en échec dans sa propre intentionnalité.
            Nous voudrions,
                    en reprenant les notions avancées
                  par Greimas-Fontanille dans Sémiotique des passions, essayer d'analyser cette configuration pathémique, que cherche à provoquer
                  l'élongation caractéristique des ces scènes.
            
              
Constitution 
            
            Pour rendre
                    compte du dispositif qui est à la
                  source de ce pathème, il faut retrouver les actants et le dispositif
                  modal qui semblent présupposés par celui-ci. On constatera alors
                  qu'il s'appuie sur la situation polémique dont nous avons parlé :
                  le dispositif doit conduire à opposer une attente avec les événements
                  (le flux des survenir).
            Dans ce type
                    de scènes dramatiques, on peut
                  trouver au moins deux actants en situation polémique, observés
                  par un troisième actant, le spectateur présupposé, qui convoquera
                  la tension dramatique. Autrement dit deux "contre devenir" doivent être
                  modalisés à l'inverse /106/ par cet observateur noologique. Cette
                  double modalisation peut se référer au /vouloir/ ou au /devoir/,
                  sans que cela change fondamentalement la configuration, en dehors
                  de son intensité. Le
                  déontique donnerait en effet plus de force à l'émotion qu'un simple
                  volitif. Si l'on appelle PN1 le
                  programme de l'adversaire et PN2 celui
                  du héros, on aurait donc les deux systèmes de modalités suivants : 
            /Ne
                      pas Vouloir être/
                    sur PN1 vs /Vouloir être/ sur PN2
            ou
            /Ne
                      pas Devoir être/
                    sur PN1 vs /Devoir être/ sur PN2 
            La modalité appliquée à l'un est donc niée
                  pour l'autre. La présence de cette négation conditionne la convocation
                  de la disposition sensible. Tout ceci est en relation avec une
                  attente repoussée par les péripéties à l'extrême profondeur de "l'à-venir" :
                  l'image but de la victoire attendue qui potentialise directement
                  celle-ci, en oubliant, si l'on peut dire, les préconditions objectives
                  de son advenue. Il y a un désir secret de l'exécution immédiate
                  de cette image, source d'impatience, dans l'oubli complet des réalités.
            Or il y a
                    double potentialité, car double devenir
                  convoqué. L'anti-sujet est bien là avec sa résistance laissant
                  prévoir une défaite. Seul le temps objectif va trancher, encore
                  une fois.
            Notons que
                    l'image but ne doit pas être confondue
                  avec la figure rêvée d'un état ou d'un procès de la sémiotique
                  du monde naturel. L'attente de sa survenue est telle qu'il semble
                  que la victoire ne peut pas ne pas être, ce qui dispense le spectateur,
                  voire l'empêche de se la représenter au niveau figuratif. Elle
                  s'impose donc comme une forte tension ressentie par le public,
                  indépendamment des figures convoquées pour l'imaginer en détail.
                  Certes certains narrataires peuvent convertir celle-ci par l'évocation
                  de figures précises, mais ce n'est pas nécessaire pour qu'il y
                  ait image but. Il suffit qu'il y ait, de la part du narrataire,
                  oubli des présupposés du réel et focalisation sur /107/ cette seule
                  attente.
                  De plus une loi du genre renforce cette conviction : de toute
                  façon le bon doit  gagner. 
            Il existe
                    une autre condition propre à ce type
                  de configuration. Il faut que le Sujet soit effectivement potentialisé : le /Pouvoir Faire/ du héros
                  semble total. Le policier a épuisé le /Savoir Faire/ puisqu'il
                  a identifié le coupable, l'a localisé et s'est rendu à l'endroit
                  où il pouvait le trouver.  
            
              
  
            
            
              
Sensibilisation
            
            Toutes les
                    conditions sont donc réunies pour
                  qu'il y ait convocation par l'observateur noologique de la tension
                  dramatique. La succession rapide d'événements permet de renforcer
                  l'intensité de l'impression. Toutefois, si la victoire a l'éclat
                  de la soudaineté, l'émotion sera certes forte mais bien rapide.
                  La tension dramatique voit donc son intensité reposer sur tous
                  les moyens de l'élongation.
            On peut avoir
                    un allongement de la durée :
                  l'anti-sujet se cache. Le policier se trouve souvent alors, comme
                  nous l'avons dit, dans une sorte de labyrinthe. Et plus on attend,
                  moins la croyance dans la réussite du héros est possible. Il risque
                  trop de se faire surprendre.
            Le plus souvent
                    ce sera l'itération, provoquant
                  un foisonnement d'événements donc une accélération du tempo, qui
                  remet en cause aussi la croyance en la potentialité de l'image
                  but. L'adversaire n'arrête pas de mettre à terre le héros, qui
                  souffre. Le narrataire ne croit plus à la réussite du personnage.
                  Le processus sera renforcé si le sujet /108/ pathémique a tendance à exacerber
                  la tension d'origine modale sous la forme d'une oscillation thymique
                  entre l'espéré et le craint. Car il existe une contre image but
                  : la survenue de la victoire du méchant. Celle-ci est souvent mise
                  en discours par un motif discursif courant : le héros ne rentre
                  pas sans précaution dans le lieu où doit se trouver son adversaire.
                  Il s'agit en effet de se méfier, de ne pas se faire surprendre.
                  Ce faisant, on crée un effet d'effroi, les assistants ne sachant
                  pas qui va surprendre l'autre, surtout, si pour renforcer la tension
                  dramatique, on place la recherche dans un lieu particulièrement
                  labyrinthique.
            C'est alors
                    que se produit la pathématisation.
                  Cette perte de confiance, en opposition avec l'attente, crée une
                  forte oppression, quasi-physique, qui peut s'accroître jusqu'à un
                  déséquilibre complet de la sensibilité. L'espoir cède à la crainte
                  puis la crainte à l'espoir et vice versa… Le narrataire se trouve
                  assailli par l'émotion, elle-même manifestée par une tension physique
                  forte, voire même par l'apparition de larmes. Plus l'auteur invente
                  de péripéties inquiétantes, plus la crainte gagne dans la confusion
                  des sentiments.
            L'intensité sensible peut convoquer alors cette
                  forme indécise de protensivité où sujet et anti-sujet deviennent
                  interchangeables. Il arrive parfois que le spectateur change de
                  camp et prenne une autre position actantielle, en adoptant cyniquement
                  la position du bandit. 
            
              
  
            
            
              
Moralisation
            
            L'intervention
                    de la moralisation pour ce dispositif est particulièrement complexe. Ce qui ajoute sans doute, au niveau éthique, à la
                  confusion fiduciaire. La tension dramatique n'est pas une passion,
                  au sens que donne Sémantique des passions,
                  dans la mesure où, dans notre culture dominante actuelle, on ne
                  lui accorde pas le caractère d'un excès. Elle est liée toutefois
                  au scandale de l'événement non compatible avec l'éthique présupposée
                  par le récit. Si le bandit gagne, c'est un véritable déni à la
                  vertu. Car le scélérat est, de toute évidence, très dangereux pour
                  la sécurité de la ville.
            Deux facteurs
                    conduisent cependant à considérer
                  la tension dramatique comme excessive et donc à refuser de "marcher",
                  sauf si l'on est "passionnel" : 
            /109/
            •     Le
                  reproche d'invraisemblance.
            •     L'excès mélodramatique
                  dans la manifestation de la thymie. Il existe des convenances.
                  C'est ainsi que le metteur en scène doit procéder dans sa direction
                  d'acteurs à des réglages très fins pour accentuer la thymie dramatique
                  (cris, faciès de souffrance etc…) tout en restant dans des limites
                  difficiles à régler, au-delà desquelles le public jugera qu'il
                  y a artifice. 
            
              
  
            
            
              
Conclusion
            
            Dans la culture
                    encore romantique qui est la nôtre, il semble que beaucoup de récits
                    impliquent, plus ou moins, une tension dramatique. En effet tout héros de récit est inscrit dans
                  l'ascendance de la quête d'un objet de valeur et par ce fait, d'une
                  identité. Souvent il se heurte à un contre-sujet, qui développe
                  de son côté une contre ascendance. 
            On opposera
                    donc deux devenir, correspondant à deux
                  perspectives noologiques contraires qui peuvent convoquer chacune
                  une attente — liée à une image-but plus ou moins précise — et
                  une prévision qui lui permettra de l'emporter en compétence donc
                  de gagner l'épreuve. Comme tout univers noologique présuppose
                  un énonciateur pour l'énoncer, on peut stipuler derrière chaque
                  perspective une instance d'énonciation donc une voix particulière. C'est pourquoi nous aurions envie d'emprunter à la
                  pragmatique la notion de polyphonie pour décrire une tension de ce type. 
            /110/
            Le conflit
                    des deux devenir ainsi convoqués
                  est tranché lui-même par une troisième voix, la succession plus
                  ou moins espacée des surprises du survenir, dont le sujet destinateur
                  est assimilé selon les cultures au destin ou au hasard ou à l'énonciateur
                  démiurge qui a construit la fiction.
            Si, plus simplement,
                    le récit développe un
                  seul programme, le survenir résout la tension qui existe entre
                  l'attente et l'état d'avancement pragmatique du programme narratif.
                  De toute façon, on retrouve cette espèce de polyphonie particulière
                  puisque décadence du survenir et ascendance du projet sont des
                  perspectives opposées dans la saisie de la temporalité.
            Il se trouve
                    que dans ce "chœur de voix",
                  le survenir a une force, un éclat particuliers. En effet tout objectif
                  qu'il soit, le survenir apparaît à l'observateur comme délimitant
                  le champ du possible en le transformant en révolu. De ce fait,
                  il résout objectivement le conflit entre l'incidence et la décadence,
                  lieu de signification qui convoque l'expérience primordiale de
                  cette schizie de la masse phorique par laquelle l'ego s'affirme
                  par son attente (selon une logique d'ascendance) tout en tentant
                  de "prévoir" un devenir objectivé (advenir décadent).
            Et cette tension
                    entre l' "à venir" et
                  le survenir, nous la trouvons à tous les niveaux de la signification.
                  Il a tout lieu de penser qu'elle joue aussi son rôle dans le face à face
                  perceptif du sujet humain en agir dans le monde. Toute perception
                  vise à unifier dans des catégories perceptives le flux dissolvant,
                  au tempo rapide des stimuli sensibles envoyés par le monde. L'ascendance
                  de la catégorisation perceptive selon l'agir s'oppose à la décadence
                  du flux des sensations. Ne pourrait-on donc pas envisager d'ajouter
                  ces grandeurs à la liste des grandeurs figurales ? La saisie du
                  temps présupposerait non seulement un tempo mais des directionnalités
                  préfigurant les modalisations : les modalités fiduciaires
                  et déontiques relevant de la prise en compte de la descendance,
                  les modalités de la quête (vouloir, savoir, pouvoir) relevant d'une
                  construction de l'ascendance, comme permanence de l'ego agissant.
                  Ce bref parcours a montré en effet qu'elles apparaissent à la fois
                  dans l'aspectualisation démarcative et dans la pathématisation
                  dramatique. Nous fondant sur les descriptions faites par les disciples
                  de Robert Lafont, nous avons envisagé que la mise en récit présupposerait
                  aussi cette double direction du temps. Beaucoup de linguistes considèrent
                  que Guillaume l'a bien mise en évidence pour décrire le sémantisme
                  temporel articulé dans plusieurs langues. Si elle apparaît à tant
                  de niveaux, peut-on faire l'économie de lui donner un statut fondamental ?
            En tous cas,
                    la prise en compte du survenir dans la signification /111/ nous
                    semble particulièrement importante.
                  Il s'avère finalement que tout survenir, dans sa ponctualité clôturante,
                  implicite le faire et les compétences qu'il a présupposées —même
                  s'il épuise le pouvoir de ces dernières, puisque que le faire lui-même
                  a été réduit en révolu par la frontière du survenir. La mise en
                  discours d'un événement consiste toujours en une glose expansionnalisante
                  de l'expérience fusionnée, mémorisée par le sujet à la suite du
                  survenir la clôturant. Cette glose résulte d'opérations qui constitueront
                  la mise en intrigue et la mimésis. Celles -ci  non seulement
                  expliciteront le contenu détaillé de l'événement principal mais
                  encore analyseront en ascendance l'ensemble des conditions qui
                  l'expliquent. Par contre un titre, une simple désignation résomptive
                  va ponctualiser le récit en un unique survenir, conçu comme une
                  globalité d'ascendance.
            A tout bien
                    considérer, il semble qu'on pourrait
                  retrouver là tout un mode de fonctionnement de la sémiosis. Il s'avère en effet que l'observation des
                  langues comme systèmes de différences, ou mieux de différenciations
                  dans la dépendance, aboutit à une constatation de même genre. De
                  même que ce qui est fait est fait, ce qui est dit est dit. Le faire
                  sémiotique en action à travers l'énonciation d'un lexème est bien
                  l'acte de créer la survenue d'un signifiant qui implicite toute
                  une potentialité de signifiance dont peut rendre compte une glose
                  sémantique, qui en serait comme la mise en intrigue et la mimésis.
                  Agir ou dire, raconter ou expliquer c'est, de toute façon, s'affirmer
                  en ascendance, à partir de la décadence des survenues. A travers
                  la sémiosis, on retrouverait donc toute la complexité de la praxis.
            
            
            
            
                
              
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            Osiris
                  ou La fuite en Égypte
            
                
            
            C'est
                  la guerre c'est l'été
            Déjà l'été encore
                  la guerre
            Et la
                  ville isolée désolée
            Sourit sourit encore
            Sourit
                  sourit quand même
            De son
                  doux regard d'été
            Sourit
                  doucement à ceux qui s'aiment
            C'est
                  la guerre et c'est l'été
            Un homme avec une femme
            Marchent
                  dans un musée
            Leurs
                  pas sont les seuls pas de ce musée désert
            Ce musée
                  c'est le Louvre
            Cette ville c'est Paris
            Et la
                  fraîcheur du monde
            Est là tout
                  endormie
            Un gardien
                  se réveille en entendant les pas
            Appuie
                  sur un bouton et retombe dans son rêve
            Cependant
                  qu'apparaît dans sa niche de pierre
            La merveille
                  de L'Égypte debout dans sa lumière
            La statue d'Osiris vivante dans le bois mort
            Vivante à faire
                  mourir une nouvelle fois de plus
            Toutes
                  les idoles mortes des églises de Paris
            Et les amants s'embrassent
            Osiris les marie
            Et puis rentre dans l'ombre
            De sa vivante nuit.
            
                
            
            Jacques
                  Prévert, Paroles
            
                
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            
            Article publié le 10 novembre 2005